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Pourquoi l’huile d’olive algérienne s’exporte-t-elle moins que la tunisienne ?

Par Djaffar Ouigra 23 décembre 2025

Rencontrés dans les allées de la Foire de la production nationale (FPN) à Alger, les acteurs de la filière oléicole algérienne livrent un diagnostic sans fard. Entre standards internationaux exigeants, marché local sous tension et retard industriel face aux voisins tunisiens et espagnols, l’Algérie peine encore à transformer son potentiel en véritable capacité exportatrice.

« On est loin, très loin de conquérir les marchés européens ou africains, tant l’avance des Tunisiens est énorme », reconnaît Dhahbia Abbas, gérante d’Issoula Olive, petite savonnerie-huilerie familiale fondée en 2011, spécialisée dans les produits naturels à base d’huile d’olive. La comparaison est douloureuse mais incontournable : la Tunisie a structuré une industrie exportatrice cohérente, là où l’Algérie reste, pour l’essentiel, enfermée dans un artisanat éclaté.

Le problème ne se limite pas au goût ou à la qualité intrinsèque. « Déjà, la demande locale n’est pas satisfaite », insiste-t-elle. Mais dès qu’il est question d’Europe, l’équation se complique : bouteilles en verre obligatoires, emballages normés, traçabilité, certifications multiples. « Même l’emballage doit répondre à des normes internationales, c’est un parcours du combattant », résume-t-elle. Pendant ce temps, l’Espagne inonde jusqu’au marché algérien avec des huiles à prix cassés, portées par des rendements agricoles élevés, une mécanisation poussée et une logistique performante. Le combat se joue à armes inégales.

Coincés par le marché intérieur : consommer d’abord, exporter… un jour

À Chlef, Salah Benyoucef Yacine, gérant d’El Medjadjia, refuse de parler d’export tant qu’une question plus basique n’est pas réglée : nourrir le marché national. « Ces dernières années, on n’arrivait même pas à satisfaire la demande locale, sauf cette année où la récolte a été importante », explique-t-il.

Son positionnement est assumé. L’huile d’olive d’El Medjadjia se veut avant tout un produit de terroir, travaillé selon des méthodes « anciennes mais réfléchies », qui lui confèrent un goût particulier. L’entreprise mise aussi sur des déclinaisons, comme les figues de Béni Maouche conservées dans l’huile, prêtes à la consommation. « Nos ambitions sont de satisfaire le marché local et d’investir davantage dans les produits du terroir. Avec une bonne qualité, nos produits trouvent toujours preneur ici. »

Ce choix illustre un paradoxe central : tant que l’offre reste juste suffisante, voire insuffisante, pour la consommation nationale, beaucoup de producteurs ne voient pas l’intérêt de se lancer dans une aventure export coûteuse et risquée, face à des concurrents mieux armés. L’Algérie produit un « or vert », mais largement absorbé par son propre marché.

Boumerdès, l’exception qui révèle ce qui manque

À Bordj Menaïel, dans la wilaya de Boumerdès, Ismail Allal Cherif incarne une autre voie. Sa huilerie familiale, active depuis plus de trente ans, a franchi cette année un cap avec une première exportation vers l’Europe, rendue possible par un excédent de production. « En termes de qualité, les Européens sont loin de nos produits », affirme-t-il sans hésiter. La différence se joue, selon lui, dans la rigueur : maîtrise du stockage, suivi de la collecte, contrôle de chaque étape jusqu’à l’emballage.

Il constate toutefois que cette avancée reste marginale à l’échelle nationale. « On continue de voir l’oléiculture comme une activité ancestrale, presque folklorique, alors que c’est une véritable source de valeur ajoutée pour l’économie nationale. » L’huile algérienne commence à se frayer un chemin sur les marchés internationaux, mais le plus souvent au prix d’efforts individuels, sans stratégie globale ni plateforme logistique et commerciale comparable au modèle tunisien.

Au final, si l’Algérie exporte encore peu, ce n’est ni par manque de qualité ni par absence de savoir-faire. C’est parce qu’il lui manque un écosystème complet : volumes réguliers, outil industriel calibré, certifications à grande échelle, culture de marque et volonté collective de faire de l’huile d’olive autre chose qu’un simple produit de consommation familiale. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, le pays continuera de regarder ses voisins embarquer les trains de l’export, tout en conservant dans ses vergers l’une des huiles les plus prometteuses du pourtour méditerranéen.

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