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Les 111 km du tronçon Chiffa–Ksar El Boukhari, clé du rail vers Tamanrasset

Par Samy Injar 22 décembre 2025
Les gorges de la Chiffa, où le futur tronçon ferroviaire devra franchir un dénivelé de plus de 500 mètres sur à peine 111 km.

L’Algérie a franchi une nouvelle étape cette semaine dans le méga-projet de ligne ferroviaire nord-sud jusqu’à Tamanrasset avec l’annonce du lancement de la réalisation du tronçon de 111 km reliant Ksar El Boukhari à Chiffa. Cette décision intervient quelques semaines après la confirmation du financement par la Banque africaine de développement (BAD) du tronçon Laghouat–Ghardaïa–El Menéa (490 km), considéré comme le cœur saharien du projet.

Mais derrière les centaines de kilomètres en construction ou programmés dans le Sud, ce sont bien ces 111 km au nord qui constituent la véritable clé de voûte de l’ensemble du dispositif ferroviaire vers Tamanrasset.

Un verrou stratégique entre le Sud et le réseau nord

Le tronçon Chiffa–Ksar El Boukhari est, de loin, le plus névralgique de tout le projet transsaharien. C’est lui qui assure le raccordement effectif de la future ligne saharienne au réseau ferroviaire dense du nord du pays, là où se concentrent l’essentiel des flux de marchandises, des voyageurs, des ports et des bassins industriels. Sans cette jonction, la ligne vers le Sud reste économiquement incomplète, voire partiellement déconnectée de sa justification première.

Paradoxalement, ce tronçon est l’un des plus courts du projet, mais aussi le plus coûteux rapporté au kilomètre et le plus complexe sur le plan technique. Sur à peine 111 km, la voie ferrée doit franchir les gorges de la Chiffa et absorber un dénivelé de plus de 500 mètres pour atteindre le plateau de Médéa, situé à seulement 21 km à vol d’oiseau, tout en respectant des pentes ferroviaires qui ne dépassent pas 3 %. Ces contraintes expliquent pourquoi ce segment concentre à lui seul une part disproportionnée des risques techniques et financiers du projet.

Les gorges de la Chiffa, un défi d’ingénierie hors norme

L’ampleur de la difficulté est telle qu’il avait été envisagé, il y a une vingtaine d’années, de contourner totalement les gorges de la Chiffa. L’option étudiée à l’époque consistait à passer plus à l’ouest, via Djendel, pour se raccorder au réseau nord à hauteur de Hoceinia. Ce tracé impliquait davantage de kilomètres, mais réduisait sensiblement le nombre d’ouvrages d’art lourds à réaliser, et donc les risques et les coûts unitaires.

Le choix aujourd’hui validé par la dernière étude d’un passage direct par les gorges de la Chiffa renoue avec un tracé déjà emprunté à l’époque coloniale par une ancienne ligne de chemin de fer aujourd’hui désaffectée. Mais le contexte a profondément changé. Le canyon est désormais en grande partie occupé par l’autoroute dite « aérienne », réalisée par des entreprises chinoises, ce qui réduit fortement les emprises disponibles au sol.

La solution ferroviaire passera donc presque inévitablement par un système de tunnels d’une ampleur inédite en Algérie, probablement le plus long ensemble de tunnels en pente jamais réalisé dans le pays, combinant contraintes géologiques, topographiques et environnementales.

Sortir les tronçons du Sud de leur isolement

À ce stade, l’expérience du tronçon Boughezoul–Laghouat, 250 km livrés fin 2023, illustre parfaitement l’enjeu. Malgré son importance symbolique et technique, cette section reste un tronçon « orphelin ». Elle ne se raccorde aujourd’hui qu’à la rocade ferroviaire des Hauts-Plateaux, reliant Ain Touta à l’est et Tissemsilt à l’ouest, sans débouché direct vers les grands centres économiques et portuaires du nord. Les retombées économiques restent donc limitées.

Le pari stratégique des autorités est désormais clair : livrer en priorité le tronçon Ksar El Boukhari–Chiffa afin que chaque avancée de la ligne vers le Sud intègre immédiatement un nouveau pôle saharien au réseau nord. Ghardaïa, puis El Menéa, pourraient ainsi être reliées de manière effective aux ports et aux marchés du littoral, bien avant l’achèvement des sections plus lointaines vers In Salah et Tamanrasset.

C’est cette logique de rentabilité progressive et d’effet réseau qui donne toute son importance stratégique aux 111 km de Chiffa–Ksar El Boukhari, appelés à conditionner, plus que tout autre tronçon, le succès réel du rail algérien vers le Sud.

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