“La réalité que je vis chaque jour est beaucoup plus lourde que les informations que je vois défiler sur votre écran”. Anes Tina, trois millions d’abonnés sur Facebook, vient de dire en cinq minutes ce que la télévision d’État tait depuis des années. Quatre millions d’Algériens ont regardé. Et partagé.
La vidéo a explosé. 18 000 partages. Près de quatre millions de vues en à peine quelques heures. Anes Tina, figure incontournable de la scène numérique algérienne, a décidé de s’adresser directement aux patrons de la télévision publique. Sans filtre. Sans précautions. Et visiblement, ça a touché une corde sensible.
Dés son propos liminaire, il pose le constat: les Algériens ne se reconnaissent pas dans leur télévision. “La réalité que je vis chaque jour est beaucoup plus lourde que les informations que je vois défiler sur votre écran”, assène-t-il d’entrée. Puis il déroule. Les pièces détachées introuvables. Les pneus devenus quasi mythiques. Les médicaments volatilisés. “Je cherche un collyre importé, autrefois vendu 600 dinars, et il est soit introuvable, soit remplacé par un produit local de mauvaise qualité à 800 ou 1500 dinars.”
Dés son propos liminaire, il pose le constat: les Algériens ne se reconnaissent pas dans leur télévision. “La réalité que je vis chaque jour est beaucoup plus lourde que les informations que je vois défiler sur votre écran”, assène-t-il d’entrée. Puis il déroule. Les pièces détachées introuvables. Les pneus devenus quasi mythiques. Les médicaments volatilisés. “Je cherche un collyre importé, autrefois vendu 600 dinars, et il est soit introuvable, soit remplacé par un produit local de mauvaise qualité à 800 ou 1500 dinars.”
Ces galères, Maghreb Emergent les raconte depuis des mois, voire des années. Nous avons documenté la crise des pneumatiques. Nous avons enquêté sur les ruptures de médicaments. Nous suivons le marché noir des devises au quotidien. Anes Tina ne fait que confirmer, avec la force de sa notoriété, ce que nous écrivons régulièrement dans nos colonnes.
Une télévision publique hors-sol
L’influenceur tape là où ça fait mal. Pendant que les citoyens font la queue chez les cambistes du square pour acheter des euros, la télévision publique parle de la neige tombée au Maroc. Pendant que des malades cherchent leurs traitements de pharmacie en pharmacie, les JT s’égarent dans des sujets sans prise sur le réel. “Pour acheter des euros, les algériens sont obligés de passer par le marché noir, parce que tout le monde sait que le circuit officiel n’est pas une option réelle pour le citoyen”, lâche Anes Tina.
Il ajoute les rendez-vous de visa. Un autre scandale silencieux. “Les algériens se retrouvent face à un marché parallèle où les créneaux se vendent à des sommes astronomiques”. Ceux qui ont essayé d’obtenir un rendez-vous consulaire savent exactement de quoi il parle.
Ce qui le met en colère, ce n’est pas seulement ce que la télévision ne montre pas. C’est ce qu’elle montre à la place. Des contenus qu’il qualifie de “creux” et de “faibles”. Des posts sur les réseaux sociaux qui “tirent l’institution vers le bas”. Il est cash : “Ce n’est pas une inquiétude pour moi personnellement, c’est une inquiétude pour l’image de l’Algérie. Tout le monde nous regarde.”
Patriote, mais pas aveugle
Anes Tina ne joue pas à l’opposant. Il le dit clairement. Il sait que l’Algérie fait face à une “guerre médiatique et cybernétique”. Il reconnaît que le pays est ciblé, notamment par le Maroc. Mais il refuse la fuite en avant. “La télévision publique, c’est un outil institutionnel qui représente l’État. Elle ne doit pas tomber au niveau de certaines chaînes marocaines qui s’appuient sur la manipulation et l’exagération.”
Il rappelle un précédent. En 2009, lors de la crise avec l’Égypte autour d’un match de football, les médias égyptiens avaient versé dans l’excès. L’Algérie, selon lui, n’avait pas répondu sur le même registre. Il demande que cette retenue soit maintenue. Mais il veut aussi que cette dignité s’accompagne d’un ancrage dans le réel.
“Que la télévision publique retrouve sa stature. Qu’elle parle du quotidien réel du citoyen. Qu’elle évoque la pénurie, la cherté de la vie, les pneus introuvables, les médicaments coupés, le marché noir du visa”, demande-t-il. Et cette phrase, qui résume tout : “Le citoyen ne demande pas l’impossible. Il demande seulement de se voir dans les médias de son pays.”
On peut discuter du ton. On peut contester certaines formulations. Mais on ne peut pas ignorer le fond. Quand un influenceur aux millions d’abonnés pointe du doigt les mêmes dysfonctionnements que ceux que nous documentons depuis des années, c’est que le problème existe. La télévision publique algérienne gagnerait à écouter ce message. Non pas parce qu’il vient d’un YouTubeur populaire, mais parce qu’il exprime ce que ressent une large partie de la population.