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Visite du ministre nigérian en Algérie : un nouveau souffle pour le gazoduc transsaharien ?

Par Djaffar Ouigra 31 juillet 2025

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Depuis le début de l’année 2025, les relations entre l’Algérie et le Nigeria connaissent un regain significatif, marqué par une volonté commune de revitaliser la coopération énergétique, notamment autour du gazoduc transsaharien (TSGP).

Le 31 juillet, la visite à Alger du ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, illustre cette dynamique renouvelée. Si les discussions ont porté sur le renforcement des relations bilatérales et les enjeux sécuritaires régionaux, la question du TSGP est toutefois restée absente des déclarations officielles. Un silence qui interpelle.

Les avancées du 11 février 2025 : relancer le gazoduc transsaharien

Plus tôt dans l’année, des progrès décisifs avaient été enregistrés. Le 11 février, Alger a accueilli une réunion tripartite entre les ministres de l’Énergie de l’Algérie, du Nigeria et du Niger. Plusieurs documents structurants y ont été signés : l’actualisation de l’étude de faisabilité, un accord de confidentialité (non-disclosure agreement, NDA) et un mécanisme de compensation financière. Ces engagements visaient à briser l’inertie du passé pour relancer un projet de plus de 4 000 km, destiné à acheminer le gaz naturel nigérian jusqu’à Hassi R’mel, via le Niger.

La visite de Yusuf Maitama Tuggar : pour une coopération bilatérale

Dans ce contexte, la visite de Yusuf Maitama Tuggar semblait devoir renforcer la dynamique enclenchée. Reçu par son homologue algérien Ahmed Attaf, le ministre nigérian a souligné la nécessité de relancer la Haute commission mixte de coopération, instrument clé de la relation bilatérale. Les échanges ont également porté sur la stabilité dans la bande sahélo-saharienne, notamment au Niger. Pourtant, l’absence de toute mention du TSGP dans le communiqué officiel suscite des interrogations : prudence diplomatique, stratégie de communication ou simple mise en veille médiatique ?

Le TSGP : ambitions croisées, intérêts convergents

Pour Alger, le TSGP s’inscrit dans une stratégie visant à consolider son rôle de hub énergétique vers l’Europe. Déjà connectée à l’Espagne et à l’Italie via Medgaz et TransMed, l’Algérie y voit un levier géostratégique pour intégrer l’Afrique subsaharienne dans son réseau d’exportation.

Du côté d’Abuja, le projet répond à une logique économique claire. Le Nigeria, détenteur des plus grandes réserves gazières du continent (près de 6 000 milliards de m³), cherche à diversifier ses débouchés. Le TSGP, long d’environ 4 100 km, représente une option plus courte et moins coûteuse que l’alternative marocaine (environ 5 600 km et 25 milliards USD). Estimé à 13 milliards USD, le tracé via le Sahara constitue une opportunité réaliste pour valoriser ses ressources.

Une alternative crédible pour l’Europe

Face à la crise énergétique née de la guerre en Ukraine, l’Europe cherche de nouveaux fournisseurs. Le TSGP offre une voie stable et techniquement crédible pour diversifier ses approvisionnements. Les accords signés en février ont contribué à renforcer la confiance des partenaires européens, intéressés par un corridor énergétique africain moins exposé aux tensions géopolitiques.

Mais le chemin reste semé d’obstacles. La sécurisation du tracé saharien, notamment au Niger, demeure prioritaire. Le financement, en particulier pour le segment nigérien, attend encore des engagements concrets. Enfin, la gouvernance du projet, partagée entre trois États, doit démontrer sa capacité à gérer les défis communs avec transparence et efficacité.

Un silence révélateur ?

L’absence de référence directe au TSGP lors de la visite du chef de la diplomatie nigériane ne traduit pas nécessairement un désintérêt. Elle s’inscrit sans doute dans une logique de prudence et de coordination discrète. À ce stade, le projet semble avancer loin des projecteurs, porté par des engagements solides en attente de concrétisation.

Le gazoduc transsaharien reste l’un des projets les plus ambitieux du continent. Il incarne à la fois les volontés d’intégration régionale et les aspirations à une souveraineté énergétique africaine. Tant que l’Algérie, le Nigeria et leurs partenaires maintiendront le cap, le TSGP pourra jouer un rôle central dans le repositionnement énergétique de l’Afrique, tout en renforçant sa place sur l’échiquier géopolitique mondial.

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