Les intĂ©rĂȘts des fonds spĂ©culatifs et ceux d’une entreprise ne font pas souvent bon mĂ©nage. Illustration avec le bras de fer boursier qui se dĂ©roule aux Pays-Bas, objet de la chronique d’Akram BelkaĂŻd.
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Câest une affaire qui rappelle les grandes batailles boursiĂšres des annĂ©es 1990 mais, cette fois, dans un contexte politique diffĂ©rent. RĂ©sumons le dossier : Depuis plusieurs mois, le groupe amĂ©ricain PPG Industries tente en vain de fusionner, de maniĂšre amicale, avec Akzo Nobel, son concurrent nĂ©erlandais spĂ©cialisĂ© dans la chimie et les peintures.
 Au dĂ©but de cette semaine, la troisiĂšme offre consĂ©cutive de PPG, dâun montant de 26,9 milliards dâeuros, a Ă©tĂ© repoussĂ©e par les dirigeants dâAkzo qui ont rappelĂ© une nouvelle fois leur volontĂ© de maintenir lâindĂ©pendance de leur sociĂ©tĂ© tout en insistant sur le fait que la valeur de cette derniĂšre est sous-Ă©valuĂ©e par lâoffre de PPG.
 OPA hostile en vue
 DĂ©sormais, PPG nâa plus dâautre choix que de lancer une Offre publique dâachat (OPA) hostile sur le groupe nĂ©erlandais. Cela ne pourra pas intervenir avant le 1er juin prochain mais, dâici lĂ , ce ne sera pas lâaccalmie. En effet, des actionnaires dâAkzo critiquent le refus des dirigeants de cette multinationale et entendent forcer leur dĂ©part par le biais dâune AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale extraordinaire.
 Plusieurs investisseurs institutionnels qui dĂ©tiennent ensemble 10% du capital de la compagnie reprochent ainsi au PDG Antony Burgmans dâaller Ă lâencontre des intĂ©rĂȘts de lâentreprise et des actionnaires. Ce dernier affirme le contraire et se dit engagĂ© à «crĂ©er de la croissance et de la valeur sur le long terme.»
 Croissance et valeur⊠On retrouve-lĂ les mots chers aux marchĂ©s. Croissance des profits et valeur pour les actionnaires : cette affaire rĂ©sume ainsi les exigences continues des investisseurs Ă lâĂ©gard dâune entreprise. Refuser une fusion qui pourrait doper le cours de Bourse et amĂ©liorer les bĂ©nĂ©fices (notamment par la rĂ©duction de la masse salariale), est donc pour eux inacceptable.
 A titre dâexemple, Elliot Advisors, un fonds spĂ©culatif qui dĂ©tient 3,25% du capital dâAkzo Nobel entend que cette fusion se rĂ©alise. Il intente une action en justice contre Antony Burgmans lâaccusant de ne pas respecter « les principes reconnus de bonne gouvernance dâentreprise. »
 On a du mal Ă imaginer un tel fond prĂ©occupĂ© par lâavenir Ă long terme dâAkzo Nobel. Son objectif, la fameuse crĂ©ation de valeur, est de faire en sorte que le cours boursier sâapprĂ©cie afin de permettre une plus-value consĂ©quence. Câest lĂ lâobjectif connu des fonds spĂ©culatifs. Et la montĂ©e au crĂ©neau de ce fonds illustre aussi lâactivisme dont sont capables des actionnaires dont la stratĂ©gie ne coĂŻncide pas forcĂ©ment avec les intĂ©rĂȘts de lâentreprise.
 Elliott Advisors obtiendra peut-ĂȘtre lâorganisation dâune AG extraordinaire mais, comme elle ne pourra pas se tenir avant le 1er juin, il faudra que PPG attende dâici lĂ et suspende son OPA hostile. Dans le mĂȘme temps, rien ne dit quâun remplacement dâAntony Burgmans change la donne, son remplaçant Ă©tant capable de continuer Ă sâopposer Ă la fusion.
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Tensions politiques
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Cette bataille boursiĂšre intervient par ailleurs dans un contexte largement diffĂ©rent de celui des annĂ©es 1990. Le gouvernement nĂ©erlandais est, lui aussi, opposĂ© Ă lâidĂ©e quâAzko Nobel puisse passer sous le contrĂŽle dâun groupe Ă©tranger.
 La montĂ©e en force des mouvements populistes et protectionnistes nâest pas pour rien dans cette attitude. Partout en Europe, la nĂ©cessitĂ© de dĂ©fendre les champions nationaux est en train de sâimposer y compris dans des pays comme les Pays-Bas qui figurent parmi les fers de lance de la mondialisation et de lâouverture commerciale.