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Tunisie – HRW réclame une enquête sur la mort de deux femmes dans une fusillade de la police

Par Maghreb Émergent 5 septembre 2014
Tunisie Fusillade Laariche Kasserine
Le lieu de la fusillade de Laariche (crédit photo Human Rights Watch)

Tunisie Fusillade Laariche Kasserine

 

L’ONG américaine Human Rights Watch (HRW) demande aux autorités tunisiennes d’enquêter sur les circonstances de la mort de deux jeunes femmes, le 23 août dernier, lors d’une fusillade impliquant la police. Selon HRW, citant des témoins, « les policiers ne se sont pas identifiés » et « ont ouvert le feu sans le moindre avertissement ».

 

« Les autorités tunisiennes devraient mener une enquête complète et indépendante au sujet de la fusillade impliquant la police et ayant entraîné la mort de deux jeunes femmes le 23 août 2014. Tout agent ayant eu recours à la force létale illégalement devrait être tenu de rendre des comptes », affirme Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué publié ce vendredi. Revenant sur les faits, l’ONG rappelle que les deux femmes « sont mortes après que la police a ouvert le feu sur une voiture tard dans la nuit à Kasserine, une ville proche de la frontière tunisienne avec l’Algérie ». « Une troisième femme se trouvant dans la voiture a été blessée et une autre a affirmé avoir été battue par la police après la fusillade », ajoute HRW.

Des témoignages recueillis par l’ONG contredisent la version officielle des autorités. Un communiqué du ministère de l’Intérieur avait précisé qu’un barrage de police avait été érigé sur la route de Laariche, à Kasserine après des informations faisant d’un déplacement d’un groupe armé se déplaçaient en voiture dans la région. « Les forces de sécurité ont d’abord fait des appels de phares et fait des tirs de sommation en direction du véhicule », a indiqué le communiqué, avant d’ouvrir le feu directement sur la voiture et de la forcer à s’arrêter. « Mais les passagers qui ont survécu ont confié à Human Rights Watch que les policiers ne se sont pas identifiés en tant que tels et ils ont ouvert le feu sans le moindre avertissement ».

« Cependant, trois passagères survivantes ont expliqué à Human Rights Watch lors d’entretiens séparés que la voiture avait sept occupants, cinq femmes et deux hommes, tous membres de la même famille élargie revenant d’un mariage dans un parc d’attractions à Kasserine au moment de la fusillade mortelle. Les témoins ont affirmé que cinq à dix hommes vêtus de noir, que les passagers avaient pris pour des malfrats dans l’obscurité, ont surgi des roseaux bordant le côté gauche de la route et ont tiré sur la voiture sans sommation », précise encore le communiqué de HRW.

Victimes laissées sans aide

Un des témoins, Sondous Dalhoumi a déclaré à HRW « qu’elle conduisait lentement, en raison des crevasses sur la route, mais qu’elle a accéléré lorsque les hommes en noir ont surgi du bord de la route. « Il était évident que nous sommes des filles », a-t-elle expliqué à HRW. « Nous chantions. J’ai les cheveux longs et ma sœur était à côté de moi. La voiture était pleine de filles. » « Elle a affirmé qu’elle aurait arrêté la voiture immédiatement si elle avait su que les hommes appartenaient aux forces de police. Elle s’est arrêtée dès que les tirs ont commencé, mais à ce moment-là, sa sœur, Ahlem Dalhoumi, et sa cousine, Ons Dalhoumi, avaient été atteintes de balles dans la tête et une autre cousine, Yasmine Soula, avait été blessée », ajoute encore l’ONG américaine. Sondous Dalhoumi et deux des passagères, Shouour Dawahi et Achref Hendiri, ont également déclaré que « les policiers ont refusé d’emmener les corps à l’hôpital ou d’aider leur cousine blessée, et qu’ils ont brusquement quitté les lieux dans une voiture de police ».

Un autre témoin cité par HRW, « un homme du voisinage » a déclaré que « dans la nuit du 23 août, il avait entendu de la musique et vu une voiture Golf 4 contenant plusieurs personnes passer devant lui à une vitesse lente et tourner sur la route de Laariche, puis qu’il avait entendu peu après une rafale de coups de feu. Il a affirmé n’avoir entendu aucun avertissement ». « Un chercheur de Human Rights Watch qui s’est rendu sur le site de la fusillade le 30 août a constaté que la route était dans un état de délabrement avancé, comme les témoins l’avaient décrit, pleine de trous profonds sur lesquels il serait impossible qu’une voiture progresse à grande vitesse », affirme le communiqué.

Nécessité d’une enquête indépendante

Selon HRW, le ministère de l’Intérieur a annoncé le 24 août qu’il avait ouvert une enquête administrative interne, et que l’ambassade d’Allemagne à Tunis a déclaré qu’elle prêterait une attention particulière aux enquêtes étant donné qu’Ahlem Dalhoumi et sa sœur Sondous sont de nationalité Tuniso-Allemande. « Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Laaroui, a déclaré à Human Rights Watch le 1er septembre que le ministère n’avait pas suspendu à titre provisoire les agents de police impliqués dans la fusillade », ajoute l’ONG.

HRW rappelle que les groupes armés ont mené une série d’attaques dans la région de Kasserine au cours desquelles plus de trente policiers et soldats tunisiens ont été tués depuis avril 2013. « Au cours d’un des incidents les plus meurtriers, quinze soldats ont été tués lors d’une attaque près de la montagne Chaambi, à proximité de la frontière algérienne », précise l’ONG.

« Les autorités tunisiennes doivent sans tarder aller au bout de cette affaire et s’assurer que tous les agents qui ont utilisé leurs armes de manière illégale soient tenus pleinement responsables », a déclaré Eric Goldstein, le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, qui considère que « ces derniers décès démontrent le besoin urgent d’une enquête publique et indépendante pour s’assurer que les agents ayant la gâchette facile soient tenus de rendre des comptes. »

 

 

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