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Internationale

Report du sommet européen, Alexis Tipras maintient le cap

Le premier ministre grec Alexis Tsipras

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Le sommet européen dédié à la GrÚce, prévu dimanche 12 juillet, a été reporté. Un désaccord persiste, malgré les concessions faites par le premier ministre grec Alexis Tsipras pour éviter une sortie de la GrÚce de la zone euro.

 

Alexis Tsipras a-t-il lĂąchĂ© du lest ? Va-t-il sacrifier Syriza, pour Ă©ventuellement rester au pouvoir ? Un regard « algĂ©rien », nĂ©gatif et jusqu’au-boutiste, privilĂ©gie cette lecture, au lendemain de la prĂ©sentation des propositions grecques exigĂ©es par l’Union europĂ©enne. Des commentateurs sont mĂȘme allĂ©s jusqu’à parler de « reddition en rase campagne », avec un gouvernement grec qui accepterait en gros les conditions fixĂ©es par l’Europe dĂšs le dĂ©part.

Il n’en est rien. Les propositions de Tsipras rĂ©pondent en fait Ă  une autre logique. Elles rĂ©pondent aux nĂ©cessitĂ©s de rĂ©forme de l’économie grecque, en privilĂ©giant des coupes dans certains secteurs plutĂŽt que dans d’autres, tout en tenant compte de ce que la sociĂ©tĂ© grecque peut supporter. A l’inverse, les demandes de l’Union europĂ©enne rĂ©pondaient Ă  des demandes gĂ©nĂ©rales, selon des critĂšres de type allemand ou scandinave, sans rapport avec la rĂ©alitĂ© grecque.

L’AlgĂ©rie connait bien ce dĂ©bat. Aucun Ă©conomiste sĂ©rieux ne peut aujourd’hui contester la nĂ©cessitĂ© d’une rĂ©vision du prix des carburants, de l’énergie, et de certains produits. Quitte Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme libĂ©ral, voire ultra-libĂ©ral, le prix du carburant est devenu totalement antiĂ©conomique. C’est un choix destructeur. Le maintenir, c’est provoquer dĂ©libĂ©rĂ©ment du gaspillage et de la contrebande.

Privilégier les réformes en interne

Pour l’AlgĂ©rie, comme pour la GrĂšce, il n’est pas nĂ©cessaire de consulter le FMI ou les experts de Bruxelles pour arriver Ă  ces conclusions, qui relĂšvent du simple bon sens. Ce qui est valable pour l’essence est valable pour le lait : achetĂ© Ă  50 dinars chez le producteur, ce produit est revendu Ă  25 dinars, avec une subvention de l’Etat qui gĂ©nĂšre des rentes inimaginables, alors que personne n’est en mesure dire quel est le prix rĂ©el du lait, et quelles sont les marges de chaque partenaire.

Dans ces situations oĂč les rĂ©formes s’imposent, il est toujours prĂ©fĂ©rable de les mener en interne, avec une expertise nationale, capable de sentir oĂč bat le pouls de la sociĂ©tĂ©. Augmenter le prix du carburant aujourd’hui ne provoquera pas d’émeute. Toucher l’école peut, par contre, s’avĂ©rer dangereux. Ce n’est pas l’approche du FMI, de l’Europe et des institutions internationales, qui demandent gĂ©nĂ©ralement des coupes uniformes dans tous les secteurs, pour aller Ă  des ratios acceptables.

En GrĂšce, oĂč l’administration est pratiquement aussi faible que celle d’un pays ordinaire du Tiers-Monde, certaines mesures ne pouvaient ĂȘtre Ă©vitĂ©es. La rĂ©vision de la TVA, une refonte des structures de l’impĂŽt, la rĂ©forme de l’administration fiscale, sont des sujets qui s’imposent aussi bien Ă  la GrĂšce qu’à l’AlgĂ©rie.

Réformes nécessaires

L’indigence des institutions, et le laisser-aller gouvernemental ont fait que dans les deux pays, ces rĂ©formes essentielles n’ont pas Ă©tĂ© menĂ©es. Un gouvernement lĂ©gitime, sĂ©rieux et crĂ©dible, devrait commencer par là : la collecte de l’impĂŽt est trĂšs faible en GrĂšce. Tsipras l’admet, mais inverse les prioritĂ©s. Il ne veut pas que les plus vulnĂ©rables soient les premiers Ă  payer le prix.

Ce que veut faire le gouvernement Tsipras vise en fait Ă  mettre Ă  niveau la gestion de l’économique grecque, pour se rapprocher des normes europĂ©ennes. La Turquie a eu la mĂȘme dĂ©marche durant les vingt derniĂšres annĂ©es : elle a introduit des normes de gestion europĂ©ennes, qui lui ont permis de rĂ©aliser le boom Ă©conomique qui en a fait une puissance rĂ©gionale.

Mais c’est sur le plan politique que Tsipras a marquĂ© sa singularitĂ©. Le leader de Syriza a acquis une forte lĂ©gitimitĂ© interne, et une trĂšs grande sympathie auprĂšs de l’opinion publique internationale. Ce symbole, trĂšs fort, se heurtait Ă  l’Europe financiĂšre, peu habituĂ©e Ă  traiter avec la rue, et Ă  composer avec le peuple.

Assumer le volet politique

Fort de cette popularitĂ©, Alexis Tsipras pouvait, soit tenter de la conserver, en allant vers un radicalisme trĂšs risquĂ©, dans la tradition des mouvements d’extrĂȘme-gauche ; soit tenter d’en tirer profit, quitte Ă  Ă©corner un peu son image, et en faire profiter son pays. C’est le choix qu’il a fait. Il a lĂąchĂ© du lest, aprĂšs avoir poussĂ© le bouchon trĂšs moins, presque trop loin.

Il devait Ă  tout prix Ă©viter d’apparaitre comme un jusqu’au-boutiste, partisan du tout ou rien. Il voulait aussi prouver que la gauche radicale ne travaille pas seulement pour le grand soir, qu’elle pouvait devenir une gauche de gestion. Il voulait mettre fin Ă  cette image de groupuscules enflammĂ©s, prĂȘts Ă  mourir sur les barricades, avec beaucoup de panache, quitte Ă  ce que le pays sombre. Il sait qu’il a amenĂ© l’Europe Ă  un maximum de concessions. Pourquoi prendre le risque d’un Grexit, alors qu’il sait qu’en restant au sein de l’Europe, son pays en tirerait profit ?

Dans la partie de poker qui se jouait, il Ă©tait de bon ton de se montrer intransigeant. Mme Angela Merkel a parfaitement jouĂ© son rĂŽle, elle aussi. Les droites europĂ©ennes ont poussĂ© Ă  la surenchĂšre. Mais tout le monde connaissait le principal enjeu politique: qui porterait la responsabilitĂ© d’une sortie de la GrĂšce de l’euro? En faisant ce qui apparait comme des concessions, Tsipras rejette clairement la balle dans le camp de Mme Merkel.