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RĂ©cupĂ©ration des fonds et biens dĂ©tournĂ©s à l’étranger : faut-il nĂ©gocier avec la Îssaba ?

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L’AlgĂ©rie s’efforce de rĂ©cupĂ©rer les biens et fonds dĂ©tournĂ©s Ă  l’Ă©tranger par d’anciens oligarques, communĂ©ment appelĂ©s la « Îssaba », mais cette opĂ©ration se rĂ©vĂšle ĂȘtre une tĂąche longue et complexe. Selon l’avocat et membre de la Cour internationale d’arbitrage, Nasr Eddine Lezzar, entamer des nĂ©gociations avec la Îssaba pourrait ĂȘtre une solution pour accĂ©lĂ©rer le processus.

Le gouvernement a organisĂ©, rĂ©cemment, une vente aux enchĂšres des biens confisquĂ©s Ă  certains anciens oligarques aprĂšs des jugements dĂ©finitifs de la Cour suprĂȘme. Le prĂ©sident Abdelmadjid Tebboune, pour qui la rĂ©cupĂ©ration des biens mal acquis fait partie des engagements de son mandat, avait annoncĂ© fin dĂ©cembre dernier la somme faramineuse de 30 milliards de dollars comme Ă©tant la valeur des biens rĂ©cupĂ©rĂ©s, contre les 20 milliards de dollars annoncĂ©s fin 2022. En septembre dernier, l’ancien Premier ministre, AĂŻmen Benabderrahmane, avait annoncĂ© devant les dĂ©putĂ©s de l’APN que 219 commissions rogatoires internationales ont Ă©tĂ© lancĂ©es en vue de saisir et confisquer des fonds dĂ©tournĂ©s et transfĂ©rĂ©s illĂ©galement Ă  l’Ă©tranger.

Selon Nasr Eddine Lezzar, avocat et membre de la Cour internationale d’arbitrage, rĂ©cupĂ©rer ces biens placĂ©s Ă  l’Ă©tranger est une opĂ©ration complexe et chronophage. Dans une interview accordĂ©e Ă  Jeune Afrique, il affirme que le rapatriement de biens mal acquis est plus difficile que l’extradition de la personne responsable du dĂ©lit. Il rappelle, Ă  cet effet, que des personnes condamnĂ©es, sous le coup de mandats d’arrĂȘt internationaux dĂ©livrĂ©s par la justice algĂ©rienne, restent en fuite, sans que la procĂ©dure ne soit concluante.

Me Lezzar explique que cette opĂ©ration dĂ©pend avant tout de la volontĂ© politique des deux États impliquĂ©s, soulignant qu’il ne faut pas se faire d Â« illusion Â» au sujet de l’indĂ©pendance de la justice des deux cĂŽtĂ©s. Tout d’abord, explique-t-il, la traçabilitĂ© des biens pose problĂšme en raison de la technique de « prĂȘte-noms » et du placement des fonds dans des paradis fiscaux via des « canaux opaques ». A cela s’ajoute la rĂ©ticence de certains pays Ă  la levĂ©e du secret bancaire. « Elles sont rĂ©tives lorsqu’il d’agit de restituer les avoir qui leur apportent des dividendes substantiels Â», prĂ©cise-t-il.

Quant aux biens immobiliers et les entreprises, l’avocat estime que ces biens peuvent ĂȘtre inventoriĂ©s mais la procĂ©dure risque de durer longtemps surtout lorsque « les parts sociales sont dĂ©tenues dans des sociĂ©tĂ©s anonymes Â». Bien qu’ils soient identifiables leur « transfert est impossible, il faut rĂ©flĂ©chir Ă  leur vente par l’État algĂ©rien ou Ă  la gestion pour le compte de celui-ci par des structures spĂ©cialisĂ©es Â», suggĂšre l’avocat.

Faut-il nĂ©gocier avec la Ăźssaba ?

Concernant les biens dissimulĂ©s en France, l’avocat rappelle que celle-ci s’est dotĂ©e en 2021 d’un dispositif opĂ©rationnel de restitution des « biens mal acquis ». Selon ce texte de loi, la restitution des biens mal acquis devient une action de solidaritĂ© et de lutte contre les inĂ©galitĂ©s mondiales.  Â« Ces fonds ne sont donc pas restituĂ©s Ă  l’État requĂ©rant. L’État français, receleur, devient garant de la bonne affectation des fonds volĂ©s au profit des populations Â», prĂ©cise-t-il.

Face Ă  ces procĂ©dures complexes, l’avocat estime que la solution serait que le pouvoir nĂ©gocie avec les membres de la Îssaba la restitution des biens mal acquis contre leur libĂ©ration : « Il y a, enfin, une autre solution qui mĂ©riterait d’ĂȘtre mise en dĂ©bat : certains des hommes d’affaires dĂ©tenus dans le cadre de ce qu’on appelle les procĂšs de la « Îssaba » affichaient leur disposition Ă  une restitution des biens contre une cessation de poursuites. L’un d’eux aurait dit : « Qu’on me laisse sortir avec mon pantalon, et je restitue tout ce que j’ai. » Je pense qu’il y a lĂ  une piste de nĂ©gociation, une possibilitĂ© de transaction pĂ©nale qui aurait pour terme une restitution de l’indu contre une remise de peine Â», suggĂšre l’avocat.