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Pourquoi l’esprit du Congrès de la Soummam fait encore peur

Par Djaffar Ouigra 21 août 2025

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Le 20 août 2025, à l’occasion du 69ᵉ anniversaire du Congrès de la Soummam, une scène révoltante s’est jouée à Ifri-Ouzellaguène, ce lieu emblématique où, en 1956, des figures historiques telles qu’Abane, Krim et Amirouche ont posé les jalons d’une révolution qui devait libérer l’Algérie du joug colonial. Ce jour-là, des centaines de citoyens, militants et simples habitants ont été empêchés, menacés et dispersés par des forces de l’ordre en tenue répressive, interdits de se rassembler.

Parmi eux, Me Sofiane Ouali, avocat engagé, et Mohamed Tadjadit, poète contestataire, ont été arrêtés, symboles de la jeunesse qui ose toujours se faire entendre. Cette interdiction n’est pas un fait isolé, mais s’inscrit dans la continuité d’une politique d’étouffement systématique de toute expression démocratique. Le régime, qui affiche un nationalisme de façade, s’avère incapable d’assumer un héritage qui exige unité, débat et respect des libertés.

Interdire la commémoration même d’un pilier fondateur de la révolution équivaut à un déni historique et à une confiscation de la mémoire collective. Comment expliquer autrement qu’en 2025, un État indépendant, prétendument démocratique, refuse à ses citoyens le droit fondamental de se souvenir, de commémorer et de réfléchir ?

Le choix du FFS : une activité transférée, symbole de résistance dans la contrainte

Face à cette mainmise autoritaire sur la mémoire et l’espace public, le Front des Forces Socialistes (FFS) a fait le choix stratégique de déplacer ses activités commémoratives vers la salle Youcef Abdjaoui à Ouzellaguène, un lieu plus discret mais désormais vital pour le maintien de son espace politique.

Ce choix n’est pas une simple question d’organisation logistique, mais une réponse au climat répressif qui tend à exclure le parti de tout lieu symbolique. Là où jadis il fédérait militants et sympathisants sur des sites historiques, il doit désormais se réinventer dans la contrainte, tout en gardant les idées intactes. Cette décision traduit une volonté de préserver un espace d’expression démocratique face à une politique qui cherche à étouffer le pluralisme.

Ce repli stratégique du FFS fait écho à la conception que le parti avait déjà exprimée à travers la pensée d’Hocine Aït Ahmed, figure emblématique de la résistance et de la démocratie : « Faire revivre le Congrès de la Soummam, c’est ouvrir la voie à l’espoir et redonner à la Nation algérienne confiance en elle-même. Le miracle qui a pu s’accomplir en pleine guerre de reconquête coloniale est, aujourd’hui, à la portée des Algériens et Algériennes. » Ces mots, prononcés en 2003, sont aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Ils rappellent que, malgré les embûches et la répression, la flamme de la résistance et de la démocratie peut se raviver dans les lieux les plus modestes, là où l’esprit de la Soummam continue de vivre.

L’esprit du Congrès de la Soummam face à la répression

Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), présent sur les lieux interdits, n’a pas tardé à dénoncer avec force cette interdiction et la répression qui l’a accompagnée. Dans une déclaration ferme, le parti a qualifié cet événement de « profanation de la mémoire nationale », rappelant que cette interdiction constitue une atteinte grave à la Constitution qui garantit la liberté de réunion et le droit au recueillement.

« Comment comprendre qu’en 1956, malgré la guerre et la répression coloniale, des héros aient pu se réunir à Ifri, alors qu’aujourd’hui, en indépendance, des Algériens sont empêchés de commémorer ce pacte fondamental ? » s’interroge le RCD dans un communiqué rendu public. Cette question résonne comme un défi lancé au pouvoir, démontrant l’absurdité d’une politique qui s’efforce de museler les aspirations les plus profondes du peuple.

Toutefois, Saïd Sadi déplore que ce projet ait été trahi « par un premier coup d’État contre l’Algérie », une rupture fatale qui a brouillé la trajectoire démocratique. Aujourd’hui, la répression et la confiscation de la mémoire sont les manifestations d’une continuité de cette histoire douloureuse.

Appel à la paix et à l’unité : un cri porté par les militants sur les réseaux sociaux

Face à ce déni de mémoire et de liberté, un collectif de militants politiques et syndicaux a lancé un appel éclairé et apaisant sur les réseaux sociaux, invitant au calme et à la responsabilité, tout en affirmant la nécessité d’une mobilisation pacifique.

Ils veulent honorer le sacrifice des martyrs : « Une honte, une avanie de plus infligée à un peuple qui ne demande qu’à vivre libre et digne. » Ce texte rappelle que la répression n’est pas simplement une violence sur le moment, mais une atteinte à l’âme même de la nation.

L’appel exhorte la société civile, les intellectuels, les syndicats et la diaspora à s’unir dans un combat collectif pour une « transition démocratique sérieuse et unifiée », inspirée par l’esprit de grande unité nationale du Congrès de la Soummam. Il souligne que c’est à travers la paix, la justice sociale, le dialogue et la conjugaison des forces démocratiques que l’avenir de l’Algérie doit se bâtir.

Ce message vise à faire revivre non seulement la mémoire, mais surtout l’espoir, à travers la « lutte pacifique » et le « pacte républicain ». Il invite chaque Algérien à devenir acteur de ce renouveau politique, dans la sérénité, afin de restituer la parole au peuple et de refonder la nation sur des bases solides, égalitaires et démocratiques.

Plus qu’un simple souvenir

Plus qu’un simple souvenir, le Congrès de la Soummam est une véritable clef qui ouvre la voie à une Algérie libre, unie et démocratique. C’est précisément cette dimension, porteuse d’espoir et de changement, qui effraie le pouvoir en place et explique la peur qu’il manifeste à l’égard de ce symbole. En interdisant les commémorations, en muselant les formations politiques, en réprimant les citoyens qui réclament leur droit de mémoire, le régime trahit non seulement les héros de la révolution mais aussi l’avenir du pays.

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