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Pourquoi la CNEP finance de moins en moins le logement des Algériens

Par Lynda NACER 1 décembre 2025
Intérieur d’une agence CNEP-Banque en Algérie, des clients assis aux guichets discutent avec des conseillers.
CNEP-Banque, à Alger : l’établissement historique du logement réoriente ses ressources vers les bons du Trésor. (DR)

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Officiellement, la CNEP reste la référence du crédit logement. Dans les faits, selon une source au fait du dossier, elle consacre une part croissante de son bilan aux bons du Trésor, pendant que ses crédits à la clientèle diminuent.

Créée en 1964 pour collecter l’épargne et financer le logement des Algériens, la Caisse Nationale d’Épargne et de Prévoyance ne joue plus aujourd’hui le même rôle. Selon une source au fait du dossier, 41,80 % de son bilan en 2024 est constitué de bons du Trésor et d’obligations assimilables, contre 31 % en 2021. Dans le même temps, ses crédits à la clientèle, dont une grande partie liée à l’habitat, reculent de 3,42 %. Concrètement, la CNEP prête moins aux ménages et davantage à l’État, alors que c’est une banque historiquement dédiée au logement.

La priorité n’est plus d’accompagner l’accession à la propriété, mais de sécuriser le bilan en se tournant vers la dette publique. Ce choix répond à une logique comptable et prudentielle, mais il a un coût social et économique que le débat public ne mesure pas encore.

Une banque du logement qui change de priorité

Pendant des décennies, la CNEP a relié l’épargne populaire au financement du logement : épargne-logement en 1971, soutien aux programmes de promotion immobilière à partir de 1980, agrément bancaire en 1997 avec une spécialisation habitat maintenue.

Cette trajectoire change. D’après la même source, le portefeuille de titres publics de la CNEP est passé d’environ 558 milliards de dinars en 2021 à 881,2 milliards en 2024. La part de ces titres dans le bilan grimpe de 31 % à 41,80 % en trois ans, tandis que l’encours de crédits recule de 3,42 %. La banque pèse plus lourd, mais elle prête relativement moins à l’économie réelle, en particulier aux ménages qui cherchent à acheter ou construire.

Le phénomène ne concerne pas seulement la CNEP. Dans l’ensemble des banques publiques, les bilans grossissent, mais la part des crédits progresse très peu et les titres publics absorbent une fraction croissante des ressources. L’État continue pourtant de subventionner le secteur à hauteur de 600 à 650 milliards de dinars par an, selon cette même source. Une part significative de l’épargne des Algériens sert en priorité à financer le déficit budgétaire plutôt que leurs projets.

Le logement sacrifié au refinancement du déficit

Au centre de cette réorientation, il y a le Programme spécial de refinancement mis en place en 2021–2022. Le Trésor a racheté aux banques publiques, dont la CNEP, des crédits syndiqués accordés à des entreprises publiques. En échange, il a émis des obligations de l’État pour un montant total de 2 599 milliards de dinars. Sur le plan comptable, les banques ont remplacé des créances longues et risquées par des titres considérés comme sûrs, rémunérateurs et simples à gérer.

Pour la CNEP, l’impact est visible dans les comptes. Le produit net bancaire progresse de 21,78 % en 2024, tiré par les revenus des titres publics. Avec moins de risque de défaut, moins de provisions et des revenus réguliers, la préférence pour les bons du Trésor plutôt que pour les crédits immobiliers devient un choix rationnel pour la direction.

Selon la même source, les banques publiques sont désormais les principaux créanciers du Trésor, avec un stock de 7 685 milliards de dinars de titres publics dans leurs bilans. La création de la Banque Nationale de l’Habitat devait rééquilibrer le modèle et redonner un rôle central à l’épargne-logement. À ce stade, elle n’a ni réduit la dépendance aux bons du Trésor ni relancé le crédit logement à grande échelle.

Cette configuration est risquée dans un pays où les finances publiques restent étroitement liées aux revenus des hydrocarbures. En cas de baisse brutale des prix du pétrole et de tensions sur la liquidité, la combinaison d’un déficit élevé et de banques très exposées à la dette de l’État peut devenir un facteur d’instabilité.

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