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Maghreb

« Modernisation de la société » : le CPP évalue les années Bouteflika (audio-vidéo)

Photo : Maghreb Emergent

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La sociĂ©tĂ© algĂ©rienne est-elle plus conservatrice Ă  la fin des annĂ©es Bouteflika qu’à ses dĂ©buts en 1999 ? Tel a Ă©tĂ© le sujet dĂ©battu par les journalistes, Abed Charef, Ihsane El Kadi et SaĂŻd Djaafer, au cours de l’Ă©mission CafĂ© presse politique (CPP) de Radio M, du jeudi 10 mars.

Pour rĂ©pondre Ă  la question, l’animatrice de l’émission politique hebdomadaire de Radio M, Souhila Benali, a commencĂ© par prendre le pouls de la sociĂ©tĂ© algĂ©rienne en 2016 en s’arrĂȘtant sur les « pulsations » des droits des femmes, des discours politique et religieux, du rapport Ă  la religion ou Ă  la religiositĂ©, de l’islamisme dans le monde rĂ©el de Kamel Daoud, etc. « Le simple fait qu’on se pose la question, c’est qu’il y a un doute », a d’emblĂ©e esquissĂ© Ihsane El Kadi.

Dans la foulĂ©e, le directeur de l’agence Interface MĂ©dias Ă©ditrice de Maghreb Emergent, a avouĂ© la difficultĂ© de dresser le bilan sociĂ©tal des annĂ©es Bouteflika : « Il y avait un projet modernisateur sous les annĂ©es BoumediĂšne mais il n’y a pas eu de projet clair dans les annĂ©es Bouteflika », a-t-il dĂ©clarĂ©. « Or, il  ne peut pas avoir de modernisation sans un projet de modernisation ».

 

Une société éclatée

Une idĂ©e partagĂ©e par SaĂŻd Djaafer, directeur Ă©ditorial du Huffington Post AlgĂ©rie,  qui a rappelĂ© qu’un Ă©tat qui ne dispose pas d’une lĂ©gitimitĂ© suffisante et forte ne peut ĂȘtre un agent de la modernisation. « Il est un acteur de la conservation » a-t-il jugĂ© en rappelant qu’à son arrivĂ©e au pouvoir, aprĂšs la crise des annĂ©es 90, Abdelaziz Bouteflika a « nĂ©gociĂ© une forme d’arrangement » : le systĂšme politique ne change pas mais la sociĂ©tĂ© fait ce qu’elle veut. « Ça a donnĂ© ce panache avec du Daech, de la bigoterie, de l’obscurantisme, etc »

« L’Etat ayant lĂąchĂ© son rĂŽle modernisateur, toute la question est de savoir quelle pente a pris la sociĂ©tĂ© algĂ©rienne : celle de la rĂ©gression ou celle du progrĂšs », a renchĂ©ri Ihsane El Kadi. « Dans les annĂ©es 70, on avait des militants qui allaient dans les quartiers populaires, aujourd’hui les progressistes sont dans un entre-soi et se mettent dans une position extĂ©rieure tandis que les islamistes sont dans les quartiers », a relevĂ© SaĂŻd Djaafer.

En fait il y a toujours un dĂ©calage entre ce qu’est la sociĂ©tĂ© algĂ©rienne et ce que chacun de nous aimerait qu’elle soit, a soulignĂ© de son cĂŽtĂ© Abed Charef, journaliste indĂ©pendant. « Le nombre de femmes au Parlement est une fausse reprĂ©sentation de la sociĂ©tĂ© qui ne compte pas autant de femmes engagĂ©es en politique », a-t-il soulignĂ©.

« Bouteflika a trouvĂ© des artifices pour avoir plus de femmes en politique mais leur rĂŽle n’a pas beaucoup avancĂ© dans cette sphĂšre, en revanche, il a avancĂ© ailleurs », a poursuivi le journaliste en tĂ©moignant : « Moi, je viens d’un milieu rural oĂč les femmes n’avaient pas d’existence du tout jusque dans les annĂ©es 60 -70. Aujourd’hui, elles vont Ă  l’école et elles sont prĂ©sentes dans certains espaces des villes de l’intĂ©rieur du pays ».

 

Quel projet religieux pour notre société ?

Il y a une multitude de projets islamistes car nous sommes dans un pays musulman, a soulignĂ© SaĂŻd Djaafer, mais la nouveautĂ© c’est qu’il y a des mouvements politiques qui veulent appliquer un systĂšme oĂč la religion rĂ©girait toute la vie politique.

Pour Ihsane El Kadi, « il y a une attitude trĂšs utilitariste du pouvoir avec la religion ». « On est un peu dans le retour Ă  une forme d’approche coloniale de la fonction religieuse oĂč ceux qui dĂ©veloppent l’abĂȘtissement des masses sont bons et ceux qui Ă©veillent les masses Ă  leur autonomie politique sont Ă  combattre
 et ça donne le salafisme » a analysĂ© le directeur de Maghreb Emergent.

Saïd Djaafer pointe de son cÎté  un  problÚme dans la formation des imams. « Continuer à dire, en 2016 que le séisme est une malédiction divine  est une aberration », a-t-il relevé en suggérant que les imams soient astreints à étudier les disciplines scientifiques.

 

NƓud politique

En rĂ©alitĂ©, le fond du problĂšme n’a pas Ă©tĂ© rĂ©solu a soulignĂ© SaĂŻd Djaafer qui estime que la rĂ©conciliation a Ă©tĂ© une fausse sortie de crise.  « On reste enfermĂ© dans notre propre vision car l’idĂ©e de violence n’a pas Ă©tĂ© extirpĂ©e par une verbalisation du traumatisme », a-t-il dĂ©clarĂ© en appelant Ă  « un dĂ©bat d’ordre national ».

« Le nƓud est politique », affirme Abed Charef, estimant « qu’il fallait rĂ©agir le jour du 3e mandat ! »

Finalement « la mĂšre de toutes les modernisations est celle de l’Etat et de la vie politique : si on n’a pas engagĂ© celle lĂ , le reste est difficile », a conclu Ihsane El Kadi. 

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