M A G H R E B

E M E R G E N T

Présidentielles 2014

Me Khaled Bourayou flingue Amar Ghoul et affirme que Bouteflika est “impotent”

Suivez-nous sur Google News

L’avocat Khaled Bourayou, un des tĂ©nors du barreau d’Alger, estime que le prĂ©sident est « impotent », et ne peut diriger le pays. Quant Ă  AbdelmoumĂšne Khalifa, il a choisi de nĂ©gocier, mais « il se leurre ».

L’avocat Khaled Bourayou est tranchĂ©. Le prĂ©sident Abdelaziz Bouteflika est « impotent », et son Ă©tat de santĂ© ne lui permet pas d’exercer la charge « exigeante » de prĂ©sident de la rĂ©publique. Intervenant dans le dĂ©bat sur la candidature du chef de l’Etat pour un quatriĂšme mandat, Me Bourayoua Ă©tablit, sur Radio M, « une diffĂ©rence entre le droit Ă  la candidature et la recevabilitĂ© de la candidature ».
Pour l’avocat, « il faut que le conseil constitutionnel joue son rĂŽle ». Il rappelle que « les affaires de l’Etat sont extrĂȘmement exigeantes » au plan physique, et qu’on « ne peut pas faire campagne par dĂ©faut, par substitution ». InterrogĂ© pour savoir si, de son point de vue, « les capacitĂ©s mentales du prĂ©sident Bouteflika sont atteintes, il rĂ©pond, tranchĂ© : «absolument ». Pour lui, « le prĂ©sident est amoindri, impotent ». Il dĂ©plore aussi que la candidature du chef de l’Etat soit entourĂ©e de « mensonges ». Il rĂ©pĂšte plusieurs fois ce mot, et dĂ©nonce « le mensonge, l’imposture, qui devient une rĂšgle de gestion du systĂšme».
Selon lui, la dĂ©rive a pris un tournant marquĂ© en 2008. « L’acte majeur, c’est la violation de la constitution », avec l’amendement de 2008, qui « supprime les deux mandats » pour permettre au prĂ©sident Bouteflika de briguer un troisiĂšme mandat. «La substance de cette rĂ©vision » pose problĂšme, c’est une « dĂ©rive extrĂȘmement grave » en matiĂšre de « libertĂ©s et des droits », dit-il.
La justice « totalement soumise Ă  l’exĂ©cutif »
Remonter la pente sera trĂšs complexe, selon Khaled Bourayou. La refonte du systĂšme « doit ĂȘtre globale, et doit inclure le systĂšme judiciaire », dit-il. Il faut « permettre au juge d’ĂȘtre libre de sa dĂ©cision (
) nous ne sommes pas dans un Ă©tat de droit, mais dans un Ă©tat de police, d’abus d’autoritĂ© ». Selon lui, le prĂ©sident Bouteflika« a bouclĂ© l’administration et les libertĂ©s ».
« Le systĂšme actuel joue sur la fibre sĂ©curitaire, la sĂ©curitĂ© l’emporte sur les libertĂ©s », affirme Ă©galement Me Bourayou, qui se demande si la rĂ©pression qui s’est abattue sur les manifestants hostiles au quatriĂšme mandat du prĂ©sident Bouteflika aurait Ă©tĂ© utilisĂ©e « contre des citoyens qui seraient venus appuyer » le chef de l’Etat. Pour lui, « la justice est totalement soumise Ă  l’exĂ©cutif, totalement instrumentalisĂ©e ; elle peut mĂȘme rĂ©gler des comptes ».
Il se montre Ă©galement dĂ©sabusĂ© sur un apport Ă©ventuel de la corporation des avocats Ă  une refonte du systĂšme. Me Sellini, bĂątonnier d’Alger, « en est Ă  son quatriĂšme ou cinquiĂšme mandat », celui de Constantine Ă  son onziĂšme mandat, dit-il. « Les bĂątonniers sont dans une situation aussi grave, sinon plus grave, que celle du prĂ©sident de la rĂ©publique. Qu’attendre de la corporation dans ce cas? », se demande-t-il.
Le rĂšgne de la corruption
En matiĂšre de corruption, le diagnostic de Me Bourayou est sans appel. « Jamais, au grand jamais l’AlgĂ©rie n’a connu une pĂ©riode aussi florissante » en matiĂšre de corruption, dit-il, utilisant cette formule radicale : « la corruption est arrivĂ©e Ă  mettre le systĂšme politique dans le systĂšme de corruption ». « Dans les autres pays, la justice rĂ©vĂšle les affaires de corruption ; en AlgĂ©rie, elle les noie », dit-il, ajoutant cette sentence : « le systĂšme judiciaire travaille pour les puissants ».
Evoquant l’affaire de l’autoroute est-ouest, Me Bourayou met en cause l’ancien ministre des travaux publics et actuel ministre des transports, Amar Ghoul. L’avocat affirme que cette affaire « n’a pas tout rĂ©vĂ©lĂ©. Une partie est entre les mains de la justice, une autre partie, qui touche de gros calibres, n’est pas encore entre les mains de la justice, elle concerne des ministres. Ce sont des ministres qui sont impliquĂ©s, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ministĂšre (des travaux publics, en dĂ©tention) a Ă©tĂ© jetĂ© en pĂąture par un tĂ©moin, lui aussi accusĂ© de corruption », a-t-il affirmĂ©.
Khalifa veut négocier, mais il «se leurre»
Dans l’affaire Khalifa, qui doit ĂȘtre rejugĂ©e, « il y a un ministre impliquĂ©. Il a Ă©tĂ© renvoyĂ© devant un tribunal correctionnel, oĂč il bĂ©nĂ©ficie d’un non-lieu », s’étonne Me Bourayou. Cette dĂ©cision montre, selon lui, qu’il « y a interfĂ©rence de l’exĂ©cutif dans le dossier ». Toujours dans l’affaire Khalifa, Abdelouahab Keramane, l’ancien gouvernement de la Banque d’AlgĂ©rie, condamnĂ© Ă  vingt ans de prison par contumace, a Ă©tĂ© poursuivi en septembre 2003 quand « il est devenu membre de la campagne de Benflis », candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2004, et candidat en 2014, affirme Me Bourayou.
L’extradition de AbdelmoumĂšne Khalifa vers l’AlgĂ©rie, qui permet de rouvrir le dossier, n’apportera pas de changement pour le principal accusĂ©, estime Me Bouraou. Selon lui, Khalifa a choisi un systĂšme de dĂ©fense « basĂ© sur la nĂ©gociation ». Il a des « rĂ©vĂ©lations extrĂȘmement graves » Ă  faire concernant le sommet de l’Etat. Il gardera le silence, « mais il sera condamnĂ© ; il se leurre », dit-il. Me Bourayou n’attend pas grand-chose du procĂšs, et a dĂ©cidĂ© en consĂ©quence de faire « en sorte que le procĂšs se tienne dans la presse ».