M A G H R E B

E M E R G E N T

Internationale

Mali-La CMA a subi des pressions pour refuser les accords d’Alger (expert)

Par Yazid Ferhat 13 avril 2015

Après avoir demandé une  « pause » le 1er mars dernier, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a rejeté vendredi l’invitation de la médiation d’Alger à parapher  l’accord sur la paix et la réconciliation au Mali le 15 avril prochain.

 

Dans  un communiqué publié vendredi depuis Nouakchott, la CMA a réitéré « son attachement à la prise en compte des amendements qu’elle a remis à la mission internationale, le 17 mars 2015 à Kidal ». Ces amendements qui constituent l’essentiel des revendications de l’Azawad, selon la CMA, portent essentiellement sur l’autonomie de cette région touarègue. Pour le journaliste spécialiste du Mali, Thierry Perret, une grande mobilisation populaire autour de cette revendication risque peu de se produire. « Si cette population tient à cette autonomie à laquelle elle a été sensibilisée et mobilisée pendant deux ans, elle est toutefois lassée et fragilisée et ne demande qu’à en finir le plutôt tôt possible avec cette crise », a-t-il analysé dans une déclaration à Maghreb Emergent. Thierry Perret estime que le blocage de ce processus de paix  dépasse la simple question d’autonomie requise initialement. «  Les membres de CMA sont inquiets aujourd’hui par rapport aux milices, aux alliances avec les forces loyalistes car ils ont le sentiment que l’armée malienne veut inverser les rapports stratégiques en place ». Dans le cas échéant, M. Perret n’exclut pas que la« CMA fasse alliance avec Ansar Eddine ou Aqmi ».

Les pressions

Ceux sont  ces  facteurs encore plus complexes qui retiennent le CMA, selon l’avis de ce spécialiste de la question  malienne, et « non pas l’accord d’Alger en soi qui pose problème », car « sur le fond,  il ne propose pas de dispositifs trop différents du pacte national de 1992 ». Le CMA qui était disposé à donner son quitus aux accords d’Alger, subit des pressions de la part des narcotrafiquants qui traversent toutes les communautés de la région (arabe, touaregs, Kountas)  affirme M.Perret. «  Ces narcotrafiquants mettent d’énormes sommes aux groupes rebelles pour le refus de ces accords d’Alger. Aussi, y a-t-il les influences des groupes d’Ansar Eddine, du Mujao et d’Aqmi dont le sort n’est pas prévu par ledit accord, et qui, à leur tour, exercent une grande pression sur les mouvements rebelles nord-maliens ». En réalité, la coopération militaire et la démilitarisation de la région du nord Mali implique la neutralisation de tous ces groupes, d’où leur rejet de cet accord. « Enssar Eddine tout comme le Mujao et Aqmi  n’ont jamais déserté le territoire du nord Mali, et  Agh Ali ne veut pas perdre toutes ses positions dans l’échiquier malien », relève Thierry Perret qui rappelle que  les propositions d’un accord de paix et de réconciliation par la médiation algérienne intervient sur un fond de méfiance, car « il n’ya aucune  garantie pour sa mise en œuvre », dans un contexte d’insécurité géostratégique.

« Désintégrer le pays »

Cette restriction d’engagement dans les accords d’Alger est observée également chez d’autres parties unionistes, qui conscientes de l’imperfection de cet accord, le considèrent néanmoins,  comme un accord-cadre, susceptible de faire avancer les démarches vers  la normalisation de la situation au Nord du pays. Ce spécialiste du Mali considère que le gouvernement malien, cédant à la pression internationale,  est allé trop loin par rapport à sa population, sa société civile et un bon nombre des partis politiques, qui estiment  que cet accord pourrait « désintégrer le pays ». Thierry Perret estime que dans cet accord est prévu « une majorité de Touarègues dans l’armée malienne, ce qui ne fait pas l’unanimité des autres régions ». Par ce fait, le gouvernement central de Bamako a pris un certain nombre de risques susceptibles de le fragiliser, car « si les accords n’aboutissent pas et la situation se dégrade davantage, le gouvernement  risque de se voir confronté à la remontée des autres populations qui souffrent déjà des mêmes problèmes du Nord ». Mais jusqu’à quel point le gouvernement malien peut maintenir ce consensus autour de lui ?   Au fond, le problème du Mali est clair mais pas simple, répond Thierry Perret. Et d’expliquer :  «  C’est un problème de la capacité de l’Etat malien à gérer les affaires du pays. Un problème qui, cependant, est loin de se voir réglé tant que la crise libyenne n’est pas résolue et que l’insécurité au Nigéria persiste ». Selon lui, s’il y avait une sécurisation en Libye et au Nigéria, cela pourrait aider le processus de stabilisation du Mali, « car les éléments les plus hostiles n’auraient pas toute latitude à opérer dans des territoires aussi vastes ».

 

ARTICLES SIMILAIRES

À l'honneur Á la une

L’Europe et le « grand remplacement » version Trump “l’homme de paix”

Gianni Infantino, président de la Fédération internationale de football (FIFA) a remis, vendredi 5 décembre, à Washington DC, un « prix de la paix » à Donald Trump. Le patron… Lire Plus

Á la une Actualités

Maroc–Espagne : Pourquoi Sánchez n’a pas franchi la ligne Macron

La treizième Réunion de Haut Niveau entre le Maroc et l’Espagne, tenue les 3 et 4 décembre, s’est déroulée dans une atmosphère de retenue inhabituelle. Rabat espérait obtenir un soutien… Lire Plus

À l'honneur Á la une

La Chine est moins un bailleur du Sud global qu’un créancier des pays riches (rapport)

Pendant deux décennies, la Chine a été perçue comme un acteur central du développement dans le Sud global. Le rapport AidData 2025 révèle un basculement stratégique : la majorité des… Lire Plus

Actualités Commerce

Quand l’Union européenne transforme l’accès au marché en instrument de chantage migratoire

Le régime des préférences tarifaires accordées par l’Union Européenne aux pays en développement, le Système de préférences généralisées (SPG), est désormais assorti d’une condition nouvelle et controversée : les États bénéficiaires… Lire Plus

À l'honneur Á la une

Routes de la soie : l’Algérie dans l’ancien monde chinois, le Maroc dans le nouveau

L’Algérie illustre le modèle ancien de la Chine centré sur les infrastructures, tandis que le Maroc incarne la nouvelle logique orientée vers la valeur et la technologie. Les données du… Lire Plus