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Maghreb

MalgrĂ© d’importants investissements, la menace hydrique plane encore sur l’AlgĂ©rie

L'Algérie comptera 70 barrages hydrauliques à l'horizon 2020 (DR)

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Malgré les assurances du ministre des ressources hydriques, M. Hocine Necib, à la veille de la saison estivale, que des mesures ont été prises pour assurer un bon approvisionnement en eau potable, la distribution connait encore de sérieux problÚmes.

Selon les chiffres rendus publics cette semaine par Hocine Necib, 75% des AlgĂ©riens ont accĂšs Ă  l’eau quotidiennement, dont 24% 24h/24h, 16% un jour sur deux et 9% un jour sur trois. Mais la saison estivale est venue rappeler que le spectre des pĂ©nuries d’eau frappe encore dans de nombreuses rĂ©gions du pays. MĂȘme la capitale, qui dispose des ressources hydriques abondantes (barrage de Taksebt, stations de dessalement, forages d’appui), avec une gestion assurĂ©e par l’entreprise française Suez, n’a pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e cet Ă©tĂ©. Des rĂ©gions de l’intĂ©rieur du pays n’ont pas d’eau courante depuis des semaines. La frustration des populations donnent parfois lieu Ă  des Ă©meutes de « l’eau ».
30 nouveaux barrages en projet
L’AlgĂ©rie peut certes s’enorgueillir d’avoir rĂ©alisĂ© les Objectifs du millĂ©naire pour le dĂ©veloppement (OMD) des Nations unies en 2011, dans son volet eau potable, mais cela ne concerne que les raccordements (avec un taux de 95 %). En matiĂšre de mobilisation des ressources hydriques, l’AlgĂ©rie a rĂ©alisĂ© prĂšs 40 barrages au cours de ces 15 derniĂšres annĂ©es, tandis que le nombre de stations de dessalement d’eau de mer a Ă©tĂ© portĂ© Ă  9, avec une capacitĂ© cumulĂ©e d’environ 1,5 million de m3. Le gouvernement compte poursuivre cette politique de rĂ©alisations dans les annĂ©es Ă  venir, avec pas moins de 30 nouveaux barrages totalisant une capacitĂ© de prĂšs de 1,5 milliard de m3, inscrits dans le plan quinquennal 2015-2019.
Les ressources hydriques disponibles et mobilisables en Algérie sont estimées à 19,2 milliards de m3, dont 12 milliards de ressources superficielles, et 2 milliards de ressources souterraines dans le Nord, et 5,2 milliards de m3 dans le Sud (superficielles et souterraines).
Changements climatiques et croissance démographique
Aux projections optimistes du gouvernement, basĂ©es sur la rĂ©alisation de nouvelles infrastructures d’exploitation de l’eau, l’avenir « climatique » de l’AlgĂ©rie oppose une autre rĂ©alitĂ©. L’AlgĂ©rie Ă©tant situĂ©e dans la rĂ©gion oĂč l’indice de changement climatique est le plus Ă©levĂ© au monde, selon le Groupement international des experts sur le changement climatique (GIEC), des hausses de tempĂ©ratures de 2 Ă  4° ainsi qu’une baisse de la pluviomĂ©trie de 4 Ă  30 % sont prĂ©vues Ă  l’horizon 2050. Et par ricochet, une baisse significative des ressources en eau est prĂ©vue. Les bassins d’AlgĂ©rie seront les plus touchĂ©s, selon le GIEC qui estime dans son scĂ©nario le plus pessimiste une diminution de plus de la moitiĂ© des ressources en eau.
La croissance dĂ©mographique et urbaine ainsi que celle de la production agricole devraient accentuer la pression sur cette ressource vitale. Une augmentation de la demande jumelĂ©e Ă  des ressources limitĂ©es aura des impacts en termes de disponibilitĂ©. La Banque mondiale estime que la disponibilitĂ© de l’eau par habitant baissera de moitiĂ© en MĂ©diterranĂ©e en 2050.
Selon des chiffres publiĂ©s par l’Institut de prospective Ă©conomique du monde mĂ©diterranĂ©en (IPMED), la disponibilitĂ© de l’eau par habitant passera de 527 m3/habitant en 1997 pour une population de 28.1 millions d’habitants Ă  313 m3 en 2025 pour une population de 47.3 millions d’habitants.
Rationaliser la ressource hydrique
Au-delĂ  de la stratĂ©gie du gouvernement axĂ©e sur la mobilisation de ressources hydriques et leur diversification, l’AlgĂ©rie devra faire beaucoup d’effort en matiĂšre de rationalisation de la ressource hydrique. Le gouvernement devrait faire face aux dĂ©fis du gaspillage, induit par le problĂšme des fuites d’eau en raison de la vĂ©tustĂ© du rĂ©seau de distribution, et un prix subventionnĂ© de l’eau qui ne permet pas aux ADE de couvrir les dĂ©penses d’exploitation. Devant cette situation, investir lourdement encore et toujours dans la mobilisation des quantitĂ©s supplĂ©mentaires d’eau serait vain et contreproductif pour le secteur.
Le gouvernement devra aussi dĂ©finir une stratĂ©gie d’allocation des ressources hydrique pour l’irrigation qui prend une dimension trĂšs importante en termes de mobilisation de l’eau, en augmentant notamment l’utilisation des eaux usĂ©es Ă©purĂ©es, souvent rejetĂ©es dans la nature. Selon la Banque mondiale, l’agriculture accapare 65 % des ressources hydriques disponibles en AlgĂ©rie.
L’autre grand dĂ©fi du secteur sera l’amĂ©lioration de la gestion et la distribution de l’eau qui a subi une nouvelle orientation. AprĂšs l’avoir confiĂ©e Ă  des entreprises Ă©trangĂšres, la gestion dĂ©lĂ©guĂ©e a Ă©tĂ© convertie en « gestion technique » avec des partenaires Ă©trangers. Une dĂ©cision prise aprĂšs les insuffisances constatĂ©es dans l’ancienne formule.

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