M A G H R E B

E M E R G E N T

Algérie

Les chiffres approximatifs de l’OAIC brouillent la lisibilitĂ© de l’agriculture algĂ©rienne

Suivez-nous sur Google News

Dans la saga des chiffres approximatifs, le secteur de l’agriculture continue de gonfler les statistiques. Au risque de brouiller la lisibilitĂ© du secteur.

 

Les chiffres de l’OAIC (Office interprofessionnel des cĂ©rĂ©ales) sur les superficies de cĂ©rĂ©ales irriguĂ©es sont « approximatifs, pour ne pas dire fantaisistes ». Ils sont contestĂ©s par plusieurs spĂ©cialistes consultĂ©s par Maghreb Emergent. L’un d’eux, professeur au centre universitaire de Khemis-Miliana, n’hĂ©site pas Ă  parler de « chiffres farfelus».

L’OAIC, qui stocke la moitiĂ© de la production locale de cĂ©rĂ©ales, et importe le complĂ©ment, a fait Ă©tat de 600.000 hectares irriguĂ©s destinĂ©s aux cĂ©rĂ©ales. Le directeur de l’OAIC, M. Mohamed Belabdi, dont les propos ont Ă©tĂ© rapportĂ©s par l’APS, a dĂ©clarĂ© que l’office espĂ©rait doubler cette superficie, « Ă  travers une surface complĂ©mentaire de 600.000 hectares, grĂące aux efforts visant Ă  soutenir les agriculteurs-cĂ©rĂ©aliers ». Une telle superficie permettrait Ă  l’AlgĂ©rie d’approcher de l’autonomie en matiĂšre de cĂ©rĂ©ales, et dĂ©gagerait peut-ĂȘtre un lĂ©ger excĂ©dent.
L’OAIC a distribuĂ© en avril 2014, prĂšs de 900 dispositifs d’irrigation au profit des agriculteurs, dans le cadre de l’irrigation complĂ©mentaire, selon M. Belabdi. L’Etat prend en charge 50% du coĂ»t de l’appareil, tandis que l’agriculteur rĂšgle la deuxiĂšme tranche en trois ans, en fournissant Ă  l’OAIC une partiede sa rĂ©colte, selon un planning Ă©tabli Ă  l’avance.
Rendement trop faible sur les périmÚtres non irrigués
L’irrigation complĂ©mentaire s’accompagne gĂ©nĂ©ralement d’une amĂ©lioration sensible du mode d’exploitation, avec l’utilisation de fertilisants, de produits de traitements, de semences sĂ©lectionnĂ©es et d’une rationalisation de l’exploitation. Le rĂ©sultat est souvent spectaculaire, avec une nette amĂ©lioration de la rentabilitĂ©, obtenue grĂące Ă  l’amĂ©lioration des techniques.
Toutefois, ces donnĂ©es ne cadrent pas avec ce qui a Ă©tĂ© recueilli par Maghreb Emergent auprĂšs de spĂ©cialistes et d’opĂ©rateurs du secteur. En effet, selon les donnĂ©es de l’OAIC, la superficie totale dĂ©diĂ©e aux cĂ©rĂ©ales serait de 3.4 millions d’hectares, dont 2.8 millions d’hectares ne sont pas irriguĂ©es. Si les pĂ©rimĂštres irriguĂ©s ont donnĂ© 50 quintaux Ă  l’hectare en moyenne en 2013, cela donnerait 30 millions de quintaux. Ce qui signifierait que les 2.8 millions de quintaux non irriguĂ©s n’auraient donnĂ© que 19 millions de quintaux, sur une production totale de 49 millions de quintaux. Au final, l’hectare non irriguĂ© donnerait seulement 6.7 quintaux Ă  l’hectare, ce qui serait un non-sens. « C’est totalement exclu », affirme ce professeur. « Ces chiffres sont farfelus », dit-il.
Quand les ministres s’y mettent
Des exploitants ont assurĂ© Ă  Maghreb Emergent qu’un hectare irriguĂ© dĂ©passe nettement 50 quintaux Ă  l’hectare. Un professeur d’agronomie souligne que « les exploitants en mesure d’irriguer leurs terres disposent gĂ©nĂ©ralement des fonds nĂ©cessaires pour les fertilisants et les traitements nĂ©cessaires », ce qui leur garantit un « rendement trĂšs Ă©levĂ© ». L’ancien ministre de l’agriculture, SaĂŻd Barkat, avait ainsi affirmĂ© l’existence de pointes de rendement allant jusqu’à 80 quintaux Ă  l’hectare dans des wilayas pilotes. Mais pour le professeur d’agronomie, « il est prĂ©fĂ©rable de parler d’une moyenne de 50 quintaux, plus raisonnable et plus fiable pour les calculs ».
Les chiffres de l’agriculture sont souvent approximatifs. L’ancien ministre de l’agriculture SaĂŻd Barkat avait annoncĂ© une production de cĂ©rĂ©ales de 56 millions de quintaux pour 2013, ramenĂ©e ensuite Ă  52 millions. Le nouveau ministre de l’agriculture, Abdelouahab Nouri, a indiquĂ© qu’elle s’était Ă©levĂ©e Ă  seulement 49 millions. Ces Ă©carts brouillent souvent l’analyse. Ils faussent les donnĂ©es sur la consommation algĂ©rienne, sur le trafic aux frontiĂšres, etc., car il est difficile de savoir exactement ce que produit le pays. SaĂŻd Barkat avait dĂ©clarĂ© que la production agricole globale avait progressĂ© de 13% par an pendant quatre annĂ©es consĂ©cutives, ce qui donnerait une augmentation globale de 63% en quatre ans, un chiffre visiblement sans rapport avec le rĂ©el.
Petits trafics
Le systĂšme gĂ©rĂ© par l’OAIC complique Ă  son tour les donnĂ©es. Avec des complicitĂ©s, une partie de la production est vendue une premiĂšre fois Ă  l’OAIC, rachetĂ©e Ă  un prix subventionnĂ©, puis revendue Ă  l’OAIC, selon un opĂ©rateur. Le mĂȘme produit est donc comptabilisĂ© plusieurs fois.
Pour l’annĂ©e en cours, le directeur de l’OAIC annonce « une hausse remarquable » de la production nationale, grĂące aux « bonnes » conditions climatiques relevĂ©es en dĂ©but d’annĂ©e, avec une bonne pluviomĂ©trie. Les fellahs, eux, sont plus sceptiques. Selon eux, la pluie a manquĂ© Ă  un moment crucial, Ă  partir du printemps, moment dĂ©cisif pour le dĂ©veloppement des Ă©pis. La controverse risque donc de continuer.