Les employeurs peuvent interdire le port de signes religieux ostensibles s’ils sâappuient sur des raisons objectives et nĂ©cessaires comme le principe de neutralitĂ©, estime la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne dans deux arrĂȘts rendus mardi.
SollicitĂ©e pour avis par les cours de cassation belge et française, sur deux affaires relatives au licenciement dâune employĂ©e portant le voile islamique et leur compatibilitĂ© avec le droit de lâUnion, la Cour donne un avis plutĂŽt favorable dans le premier cas, plutĂŽt dĂ©favorable dans le second.
Lâinterdiction de signes religieux ostensibles ne crĂ©erait pas une diffĂ©rence de traitement entre les salariĂ©s, en infraction avec une directive europĂ©enne du 27 novembre 2000, si « elle Ă©tait justifiĂ©e par un objectif lĂ©gitime et si les moyens de rĂ©aliser cet objectif Ă©taient appropriĂ©s et nĂ©cessaires », indique les juges de Luxembourg. Il importe Ă©galement, ajoute-t-elle, que lâinterdiction ne vise aucune religion ou appartenance en particulier.
Dans le cas belge, celui dâune femme musulmane employĂ©e par une entreprise fournissant des services dâaccueil, les juges europĂ©ens relĂšvent que « la volontĂ© dâun employeur dâafficher une image de neutralitĂ© vis-Ă -vis de ses clients tant publics que privĂ©s est lĂ©gitime, notamment lorsque seuls sont impliquĂ©s les travailleurs qui entrent en contact avec les clients ».
Le cas français concerne une ingĂ©nieure, Ă©galement musulmane, Ă laquelle lâentreprise a demandĂ© dâĂŽter son voile aprĂšs avoir reçu une plainte dâun client. Les juges invitent la Cour de cassation Ă vĂ©rifier si lâinterdiction Ă©tait « objectivement justifiĂ©e par la poursuite dâune politique de neutralité ».
En revanche, affirment-ils, « la volontĂ© dâun employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurĂ©s par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante au sens de la directive ».
Lâinterdiction des signes religieux ou politiques dans les entreprises privĂ©es est autorisĂ©e en France par un article du code du travail, introduit par la loi du mĂȘme nom adoptĂ©e en 2016.
« Le rĂšglement intĂ©rieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralitĂ© et restreignant la manifestation des convictions des salariĂ©s si ces restrictions sont justifiĂ©es par l’exercice d’autres libertĂ©s et droits fondamentaux ou par les nĂ©cessitĂ©s du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnĂ©es au but recherché », dit le texte.
La Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, juridiction du Conseil de l’Europe qui siĂšge Ă Strasbourg qui juge en dernier recours les violations allĂ©guĂ©es des droits fondamentaux, a commencĂ© Ă Ă©tablir sa jurisprudence sur la question des signes religieux en entreprise par deux arrĂȘts concernant le Royaume-Uni, qui ont Ă©tĂ© rendus en janvier 2013.
Dans le cas dâune hĂŽtesse de lâair chrĂ©tienne qui sâĂ©tait vu interdire le port dâune croix autour du cou, la Cour de Strasbourg avait jugĂ© la mesure illĂ©gitime, dâautant quâelle ne concernait pas dâautres signes comme le turban sikh. Elle avait en revanche validĂ© la mĂȘme interdiction formulĂ©e Ă une infirmiĂšre pour des raisons dâhygiĂšne et de sĂ©curitĂ©.