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Le schiste américain ralentit : une bonne nouvelle pour l’Algérie?

Par Lynda NACER 27 novembre 2025
Le ralentissement du schiste américain pourrait offrir un peu d’air à l’OPEP+ et à l’Algérie, dont le budget reste sensible au niveau du baril. (DR)

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Le ralentissement du schiste américain peut-il vraiment profiter à l’Algérie ? Le pays, qui a besoin d’un baril supérieur à 80 dollars pour équilibrer son budget, pourrait espérer un léger soutien si l’OPEP+ retrouve un peu d’espace sur le marché.

Le pétrole de schiste américain a longtemps été un facteur déstabilisant pour le marché mondial. À chaque fois que le prix du baril augmentait, la production texane reprenait et augmentait l’offre. Cette dynamique est en train de s’affaiblir. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de rentabilité, selon Reuters, mais également d’une question géologique. Les puits les plus performants ont déjà été forés, l’amélioration de l’efficacité diminue, et le bassin permien présente des signes de maturité. Ce changement est important pour l’Opep+. Pour l’Algérie, il est même stratégique.

Les données indiquent un ralentissement du secteur. Dans le Bassin permien, le principal centre du schiste américain, “le nombre de rigs actifs est tombé à 252 fin octobre, soit une baisse de 52 unités en un an”, d’après Reuters. C’est la diminution la plus importante depuis l’épisode du Covid.

Les entreprises de services subissent les conséquences. Certaines se débarrassent de matériel devenu inutile. L’article cite un responsable qui constate qu’il y a “plus de rigs que de travail”. Les ventes d’équipement et les prix chutent, et de grandes entreprises comme SLB ou Halliburton procèdent à des licenciements.

La rentabilité n’est plus au même niveau. Le dirigeant d’Admiral Permian Resources, Denzil West, affirme que “les prix du pétrole dans la fourchette basse à moyenne des 50 dollars rendent de plus en plus difficiles les retours sur investissement”. Il considère qu’à ce niveau de prix, maintenir la production est difficilement soutenable.

Cependant, la rentabilité n’est qu’une partie du problème. La géologie entre aussi en jeu : le Permian arrive à un stade plus avancé. Les opérateurs se dirigent vers des zones d’exploitation plus coûteuses parce que “les meilleurs puits ont été forés”. Le modèle d’exploitation du schiste implique une extraction rapide, des débits initiaux élevés, suivis d’un déclin rapide. Lorsque les zones de haute qualité se font rares, la production devient plus onéreuse et moins efficace.

Les coûts augmentent également. Forer un puits coûte désormais “entre 10 et 12 millions de dollars”, selon Kirk Edwards, cité par l’agence. C’est une augmentation de 5 à 10 % par rapport à l’année précédente. Simultanément, le baril rapporte “20 % de moins”. Il devient difficile d’accroître l’offre dans ces conditions.

Le ralentissement du schiste favorise l’Opep+ et l’Algérie

Depuis dix ans, le schiste américain a limité l’efficacité des stratégies de l’Opep+. Chaque fois que le groupe réduisait ses quotas, les producteurs américains augmentaient leur production. Le résultat était un marché stable, mais sans augmentation significative et durable des prix.

Aujourd’hui, la situation évolue. Malgré la baisse des rigs, la production américaine a continué de croître récemment grâce aux gains de productivité, mais ces gains s’essoufflent désormais. Les États-Unis ont du mal à maintenir leur niveau de production. Le WTI reste sous la barre des 60 dollars. L’administration américaine prévoit même un prix moyen de 51 dollars en 2026. Étant donné que les producteurs ont besoin de prix autour de 70 dollars pour assurer des retours attractifs aux investisseurs et maintenir une production confortable, hors meilleurs actifs, l’écart est trop grand.

Pour l’Opep+, cela représente une opportunité. Si la croissance de la production américaine stagne, le groupe regagne une capacité à influencer les prix.

Pour l’Algérie, c’est un point important. La Loi de Finances 2026 est établi sur une prévision prudente du prix du baril de 60 dollars. Une pression réduite du schiste signifie potentiellement un marché moins saturé et une volatilité plus faible. Cela se traduit par une meilleure prévisibilité des recettes. « L’Algérie a besoin d’un baril au-delà de 80 dollars pour équilibrer son budget », rappelle un expert interrogé par Maghreb Émergent, ce qui relativise l’impact potentiel de cette accalmie du schiste.

L’Algérie produit un pétrole conventionnel dont le coût d’extraction est faible. Le Sahara Blend reste recherché par les raffineries européennes. Dans un marché où les pétroles faciles et abordables deviennent plus rares, ce type de brut conserve un avantage compétitif. Les difficultés américaines augmentent la valeur de ce profil de pétrole.

Enfin, les contraintes géologiques du schiste pourraient signaler un changement de tendance durable. Si le Permian atteint sa capacité maximale de production, les États-Unis ne pourront plus jouer le rôle de producteur capable de modifier rapidement le marché. C’était ce rôle qui donnait au schiste une influence importante. Si cette capacité diminue, l’Opep+ récupère un levier essentiel.

Le marché pétrolier est complexe, avec la géopolitique, l’inflation et les incertitudes concernant la demande. Mais une tendance claire se dégage : le schiste américain ne peut plus soutenir tous les besoins. Il est devenu trop coûteux et trop dépendant d’un prix élevé. C’est précisément dans ce contexte que l’Opep+, et l’Algérie en particulier, retrouvent une possibilité d’agir sur un marché qui leur échappait de plus en plus.

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