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Algérie

Le coĂ»t Ă©conomique du 4Ăšme mandat, au chevet d’un phĂ©nomĂšne algĂ©rien Ă©mergent

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Lorsque le prĂ©sident Bouteflika a fait son AVC le 27 avril 2013, un cycle Ă©conomique avait dĂ©jĂ  pris fin. Mais c’est deux ans plus tard en plein aventure dĂ©liquescente d’un improbable 4 e mandat prĂ©sidentiel Ă  la tĂȘte de l’AlgĂ©rie, que la perception de ce changement de pĂ©riode devient un peu plus claire, pour lui et pour son entourage. ConsĂ©quence, une montĂ©e de panique.

Le 3 e mandat de Abdelaziz Bouteflika avait dĂ©jĂ  un coĂ»t Ă©conomique. Le financement par le transfert social Ă  flux non soutenable du statu quo politique. Le 4 e mandat va prĂ©senter une facture anxiogĂšne au moment de solder les comptes. Avant le 27 avril 2013, le statut quo du modĂšle Ă©conomique Ă©tait une option volontaire. Depuis le contre choc pĂ©trolier, le prĂ©sident de la rĂ©publique se rĂ©veille lentement, veut agir, mais ne peut plus. La poursuite du statu quo des politiques publiques en devient inertielle. Les consĂ©quences sont considĂ©rables d’une absence d’animation politique par le prĂ©sident de la rĂ©ponse globale Ă  la crise qui arrive. En particulier dans un systĂšme de dĂ©cision hyper centralisĂ© ou l’arbitrage de l’instance prĂ©sidentielle est requis en permanence. Selon le vƓu mĂȘme de Abdelaziz Bouteflika au dessein omnipotent dĂ©clarĂ©. L’AlgĂ©rie de 2016 a, sur un plan comptable, plusieurs avantages par rapport Ă  celle de 1986 ou 1987 lorsque s’est prĂ©cisĂ© le grand contre choc qui allait changer la trajectoire politique de l’Etat : rĂ©serves de change importantes, presque pas de dette extĂ©rieure
 Mais elle a, en sa dĂ©faveur en 2016, une tare nĂ©vralgique : pas de feuille de route pour le changement, et pas de prĂ©sident actif pour le conduire. Si les rĂ©formes politiques et institutionnelles n’auraient pas Ă©tĂ© possibles sans octobre 1988, les rĂ©formes de marchĂ© pour rendre l’économie plus compĂ©titive n’auraient, elles, pas Ă©tĂ© envisageables sans l’engagement du prĂ©sident Chadli en leur faveur dĂšs 1986. Ce rĂŽle prĂ©sidentiel, essentiel dans le modĂšle dĂ©cisionnel algĂ©rien, aggravĂ© par la frĂ©nĂ©sie Bouteflikienne des ordonnances lĂ©gislatives, n’existe plus pour, au moins, cause d’incapacitĂ©. Son absence Ă©tale ses dĂ©gĂąts en prioritĂ© dans trois domaines clĂ©s : l’arbitrage stratĂ©gique dans la transition Ă©nergĂ©tique, le volontarisme pour Ă©largir le pĂ©rimĂštre d’affaires pour le privĂ© et le rĂ©duire pour l’Etat marchand, l’attraction de l’investissement Ă©tranger en AlgĂ©rie.

Le prĂ©sident Bouteflika aurait-il conduit une nouvelle modernisation de l’économie s’il n’était pas malade en plus d’ĂȘtre ĂągĂ© de 79 ans ? Les Ă©conomistes redoutent les analyses contrefactuelles, celles qui Ă©valuent un autre scĂ©nario que celui qui s’est dĂ©roulĂ© dans les faits. Une chose est acquise. La prioritĂ© stratĂ©gique donnĂ©e depuis 15 jours au programme des Ă©nergies renouvelable arrive avec au moins 05 annĂ©es de retard, lorsqu’ aprĂšs le dĂ©part de Chakib Khelil les langues se sont plus vite dĂ©liĂ©es sur le dĂ©clin algĂ©rien de la production d’hydrocarbures. Le prĂ©sident, avant mĂȘme d’ĂȘtre trĂšs diminuĂ© depuis avril 2013, a Ă©coutĂ© Youcef Yousfi plutĂŽt que Nabni. Sa rĂ©cente implication dans ce qui veut ĂȘtre une impulsion solennelle Ă  la transition Ă©nergĂ©tique arrive dĂ©sincarnĂ©e, sans boite Ă  outils hormis l’incantation. Pour bien comprendre combien coĂ»te Ă  l’AlgĂ©rie l’absence d’une animation politique du changement de modĂšle Ă©conomique, il faut juste regarder l’action du prĂ©sident Iranien Rohani. Elu sur un programme de dĂ©sescalade politique vis-Ă -vis des Etats Unis et de reprise de l’insertion de son pays dans l’économie mondiale, Rohani rĂ©alise point aprĂšs point sa feuille de route. Une fois levĂ©e les sanctions Ă©conomiques, il s’est transformĂ© en VRP de son pays pour renouer avec les investisseurs Ă©trangers et les amener Ă  travailler en Iran. Le prĂ©sident Rohani a obtenu, par son activisme dans les capitales qui comptent dans le monde, un dĂ©but de mouvement de capitaux entrants dans son pays. Peugeot, certes anciennement installĂ© avec un partenaire local, va, par exemple, y revenir avec un projet industriel intĂ©grĂ© qui n’a rien avoir avec celui du montage de base rĂ©servĂ© Ă  l’AlgĂ©rie. L’Iran, ennemi jurĂ© du capitalisme avancĂ© de l’OCDE, s’apprĂȘte Ă  devenir en moins d’un mandat prĂ©sidentiel une destination Ă©mergente pour les investissements Ă©trangers. Plus attractif que l’AlgĂ©rie alliĂ©e supposĂ© depuis prĂ©s de 20 ans des puissants du monde sur, au moins, le front de la sĂ©curitĂ© rĂ©gionale. Le prĂ©sident Bouteflika, immobile depuis trop longtemps, est dĂ©jĂ  symboliquement relĂ©guĂ© au rang d’un chef d’Etat d’un pays africain au PIB modeste qui ne peut attirer que des financements chinois pour poursuivre la construction de ses Ă©quipements. Le coĂ»t de l’absence prĂ©sidentielle s’exprime, en l’occurrence, dans une raretĂ© anormalement Ă©levĂ© du capital Ă©tranger en AlgĂ©rie, compte tenu de son PIB et de son potentiel de marchĂ©.

L’absence de e-payement en 2016, l’inexistence de banques ou d’universitĂ©s privĂ©es algĂ©riennes, le monopole public de fait sur les transports aĂ©riens et maritimes. Les illustrations sont extensibles Ă  profusion de la nĂ©cessitĂ© d’ouvrir Ă  la concurrence du privĂ©, de numĂ©riser, de moderniser l’activitĂ© Ă©conomique. Sans engagement politique prĂ©sidentiel fort, cela ne se fera pas. Ou, comme pour la transition Ă©nergĂ©tique dĂ©clarĂ©e prioritaire, cela se fera lorsqu’il ne sera plus possible de continuer autrement. C’est-Ă -dire trop tard. La, encore plus qu’ailleurs finalement, le mandat du prĂ©sident absent est une promesse tenue. Celle d’un mandat pour rien. Dans un contexte critique ou ce qui n’a pas pu ĂȘtre entamĂ© auparavant, doit ĂȘtre parachevĂ© dans l’urgence. Une sĂ©quence rĂ©sume tous les dĂ©calages algĂ©riens de l’ùre hĂ©miplĂ©gique de la gouvernance. Pour la premiĂšre fois, vendredi dernier, une Ă©tape du Grand tour d’AlgĂ©rie cycliste – qui dĂ©bute par le Grand Prix international d’Alger – a Ă©tĂ© filmĂ©e en direct dans son intĂ©gralitĂ©. Comme pour le tour de France et les autres grandes Ă©preuves sportives. L’organisateur, secteur de l’initiative associative a bien travaillĂ©. La fĂ©dĂ©ration algĂ©rienne de cyclisme (FAC), a invitĂ© des Ă©quipes de plusieurs pays europĂ©ens, arabes et africains. Les Ă©quipes algĂ©riennes au nom de marques (Cevital, Ooredoo, ect
) ont Ă©galement investit ce sport aux belles valeurs. Face Ă  ce dynamisme, une couverture tatillonne par la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision publique qui a combinĂ© des plans aĂ©riens d’hĂ©licoptĂšres de la DGSN avec, au sol, des camĂ©ras fixes. Echangeurs, TrĂ©mies, voies rapides, bĂątiments publics rutilants, ilots directionnels fleuris : le panorama vertical sur les hauteurs de la capitale a spectaculairement rappelĂ©, combien l’Etat a dĂ©pensĂ© dans son rattrapage des infrastructures. Sans crĂ©er d’économie. S’il en avait crĂ©e une, c’est une grande boite de production tĂ©lĂ©visuelle algĂ©rienne qui aurait rĂ©alisĂ© les images aĂ©riennes sans le secours de la police. Et la FAC aurait pu vendre aux enchĂšres les droits de ce bel Ă©vĂšnement entre plusieurs tĂ©lĂ©s prospĂšres de droit algĂ©rien. Ce que les tĂ©lĂ©s privĂ©es ne sont toujours pas. Peut ĂȘtre aurions nous alors Ă©chappĂ© au commentaire affligeant du cyclisme Ă  la tĂ©lĂ©vision aux relents de vieille Ă©conomie de rente finissante.