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Le colonel Boukhari peut-il devenir le numéro deux de l’État ?

Par S. BOUDOUR 11 mai 2025

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La nomination surprise du colonel Belkacem Boukhari au sein du tiers présidentiel par Abdelmadjid Tebboune propulse cet ancien procureur militaire de Blida au cœur d’une intense spéculation politique. L’homme fort de la justice militaire pourrait-il devenir le numéro deux de l’État algérien ?

Alors que le Conseil de la Nation s’apprête à élire un nouveau président pour succéder à Salah Goudjil – dont le mandat a expiré depuis des mois laissant un vide institutionnel inquiétant – cette nomination stratégique bouleverse l’échiquier politique. Comment expliquer ce retour en grâce d’un homme n’ayant jamais siégé au parlement mais dont l’ombre plane sur les grands dossiers sécuritaires des trois dernières décennies ?

Un magistrat militaire au cœur des tempêtes politiques

Belkacem Boukhari n’est pas un inconnu dans les arcanes du pouvoir algérien . Il a occupé le poste de procureur général militaire à Blida durant une période critique de l’histoire du pays. Figure centrale de la justice militaire pendant les années sanglantes de la décennie noire, il s’est illustré lors du procès des dirigeants du Front Islamique du Salut (FIS), dissous en 1992.

Son autorité était alors considérable : il n’a pas hésité à convoquer, avec recours à la force publique, l’ancien chef du gouvernement Mouloud Hamrouche ainsi que l’ex-ministre de l’Intérieur Mohamed Salah Mohammedi comme simples témoins, défiant les conventions institutionnelles.

C’est également lui qui a orchestré en 1994 les négociations secrètes entre l’ex-ministre de la Défense Liamine Zeroual et les dirigeants du FIS incarcérés à Blida. Son intervention la plus marquante reste l’audition de l’ancien président feu Chadli Bendjedid dans l’affaire impliquant le général Mustapha Beloucif, sans qu’aucune accusation ne soit formellement retenue contre lui – un acte significatif dans un pays où les anciens chefs d’État bénéficient généralement d’une forme d’immunité tacite.

De la disgrâce à la réhabilitation

En 2000, la machine Boukhari s’enraye brutalement. Le président feu Abdelaziz Bouteflika l’a limogé de son poste de directeur de la justice militaire dans le cadre d’un remaniement touchant huit hauts responsables du ministère de la Défense, officiellement justifié par une volonté de « renouvellement des ressources humaines de l’État ». Cette éviction aurait également été liée à un différend entre Bouteflika et Boukhari concernant l’arrestation et le procès de Bouayad Agha, un agent présumé de la CIA en Algérie.

Le sort frappe à nouveau en août 2019 : Le fils de  Boukhari est incarcéré à la prison militaire de Blida, dans le cadre d’une vague d’arrestations visant plusieurs hauts gradés, ordonnée par le défunt chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah. Sa traversée du désert sera brève – huit mois seulement – avant une libération qui coïncide avec le décès du puissant chef d’état-major.

Signe évident de sa réhabilitation : son fils Fouad a été promu au grade de colonel lors d’une cérémonie officielle présidée par Tebboune lui-même l’année dernière.

Un concurrent potentiel pour le deuxième poste de l’État

Face à Boukhari se profile un autre candidat sérieux : Issa Bourkebba, directeur de cabinet de Salah Goudjil, également nommé au tiers présidentiel par le président Tebboune. La tradition institutionnelle veut que ce poste stratégique revienne à un membre du tiers présidentiel et non à un sénateur élu localement. Proche du bloc administratif du Conseil, Bourkebba apparaît comme un concurrent de taille.

Toutefois, Boukhari semble bénéficier d’un avantage symbolique, fort de son parcours exceptionnel, du contexte particulier de sa nomination et de son retour sur la scène dans une phase politique délicate. Sauf retournement lors du vote ou émergence d’une candidature influente comme celle de l’ancien ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia, tous les regards se tournent vers lui.

L’enjeu est crucial : le président du Conseil de la Nation est constitutionnellement appelé à assurer l’intérim de la présidence en cas de vacance du pouvoir. Dans un pays où la transition politique demeure une question sensible, ce choix revêt une dimension stratégique fondamentale pour l’avenir de l’Algérie.

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