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Hydrocarbures

«La rivalité Iran-Arabie Saoudite et la hausse du dollar accentuent la chute du prix du pétrole» – Abdelmadjid Attar

Par Maghreb Émergent 9 octobre 2014
Abdelmadjid Attar, consultant pétrolier, ancien PDG de Sonatrach (Ph. M. Emergent)

Depuis le mois de juin dernier, le prix du Brent a enregistré un recul de 20%, passant de 115 dollars le baril à 92 dollars en ce début du mois d’octobre. L’Arabie Saoudite laisse faire, tandis que l’Iran tente un forcing au sein de l’OPEP pour réduire la production et faire remonter les prix. Dans cet entretien accordé à Maghreb Emergent, l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, analyse la situation du marché et les rapports au sein de l’OPEP.

Comment expliquez-vous cette chute du prix du pétrole dans un contexte international de tension au Proche Orient ?

Il y a deux paramètres derrière cette chute du prix de pétrole. Le premier, est relatif au rapport de l’offre et de la demande : Il y a une terrible crise en Europe, la relance économique annoncée par beaucoup de spécialistes pour 2014 n’a pas été observée. L’Europe est donc en récession, et sa croissance est inférieure à 1% ; soit son plus bas niveau depuis 5 ans. Il y a bien entendu, une baisse de la consommation intérieure européenne, et par là, une baisse de la demande en hydrocarbures. La région de l’Asie ; notamment l’Asie du Sud Est, connait également une récession y compris la Chine. Contrairement à l’Europe et l’Asie, Les Etats unis, vivent de leur coté une situation plus confortable. Bien qu’ils continuent à importer du pétrole, ils s’auto-suffisent grâce, notamment au pétrole de schiste qu’ils produisent avec abondance.
Le deuxième paramètre est le rapport du dollar à l’euro. Nous savons que lorsque le dollar augmente, le prix du pétrole chute. Cela nous pousse à nous interroger s’il y a bien une volonté politique pour faire baisser davantage le prix du baril, qui profiterait  au renchérissement du dollar d’un coté et au sauvetage de l’économie mondiale d’une éventuelle catastrophe, de l’autre. Vous imaginez les conséquences qu’aurait une augmentation du prix du pétrole en temps de récession économique mondiale ?

Vous venez d’évoquer une éventuelle volonté politique de baisser le prix du baril dans les cours internationaux. L’Arabie saoudite et son allié le Koweït ont décidé de réduire les prix du pétrole de manière unilatérale sans en informer les autres membres de l’OPEP. Cela présage-t-il une imminente confrontation au sein de l’OPEP ?

Il y a en effet, une véritable guerre économique entre les pays du Golf et l’Iran, et même la Russie au sein de l’OPEP. On a tendance à oublier la Russie qui, en plus d’être le plus grand producteur de gaz dans le monde, est aussi un grand producteur de pétrole et dont l’économie dépend essentiellement des hydrocarbures. Dans cette guerre nous avons d’un coté, l’Arabie Saoudite, premier producteur de pétrole qui jouit de l’appui des Etats Unis et de l’autre coté, l’Iran et la Russie, soumis tous les deux à un embargo international, car les sanctions économiques appliquées par l’Occident aux entreprises russes, notamment en matière d’obtention de garanties bancaires et de mouvement de capitaux auprès de banques internationales sont similaires aux sanctions imposées aux entreprises iraniennes.
L’Arabie Saoudite sait très bien qu’une augmentation du prix du pétrole profiterait à son principal rival régional, donc, elle pèse de tout son poids sur l’OPEP et le marché pétrolier pour conduire les prix vers ses intérêts. Son rôle au sein de l’OPEP s’est renforcé depuis que cette dernière a supprimé son système de quotas.  C’est le plafond de production qui détermine désormais, le rôle du pays au sein de l’organisation. L’Arabie Saoudite, avec ses réserves, si elle augmente de 5 à 10% sa production elle pourra inonder le marché pétrolier international, tandis que la plupart des autres pays producteurs de pétrole comme l’Iran, le Venezuela, l’Algérie, le Nigéria etc, sont en train de produire au maximum de leur capacités techniques et même de leurs capacités sécuritaires pour le cas de l’Iran par exemple.

Quelles seraient selon vous les retombées de cette guerre au sein de l’OPEP sur le marché pétrolier ?

Nous vivons une période d’instabilité extraordinaire. Une instabilité géopolitique, une instabilité dans la production et une instabilité sécuritaire. Dans un tel contexte, il est difficile de faire des prévisions. Seuls les états qui ont un poids dans la production pétrolière internationale et qui ont un rôle géopolitique central peuvent faire des prévisions, et encore, à court terme.

 

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