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Algérie

La résistance aux réformes fragilise sérieusement le systÚme algérien de santé

L'urgence est de réformer le systÚme algérien de santé (DR)

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Le plan d’action du gouvernement Sellal 3, qui comporte 12 feuillets dans sa version diffusĂ©e par l’APS, consacre Ă  peine une centaine de mots pour le volet de la santĂ©.

 

Dans le plan rendu public, il est Ă©crit que « les efforts seront axĂ©s sur l’humanisation des rapports entre le corps mĂ©dical et les patients et sur l’amĂ©lioration des conditions d’accueil » et que « le Gouvernement poursuivra la rĂ©alisation des nouvelles infrastructures de santĂ© ». Abdelmalek Sellal a Ă©galement promis une nouvelle loi sanitaire, bloquĂ©e depuis 2010 par les services du ministĂšre du Travail et la Caisse nationale d’assurance sociale (CNAS) prĂ©cisĂ©ment, qui prĂ©fĂšrent maintenir les tarifications de 1986, dans le remboursement des actes mĂ©dicaux.
Pour le docteur Kamel Sellam, du Syndicat National des Praticiens de la SantĂ© Publique (SNPSP) et spĂ©cialiste en mĂ©decine du travail, l’humanisation des pratiques dans nos structures de santĂ© ne peut pas ĂȘtre rĂ©glĂ© par la simple formation d’agents d’accueil. « Quand vous ĂȘtes chaque jour dĂ©sarmĂ©s devant des malades par manque de moyens Ă  l’hĂŽpital, l’accueil tend Ă  relever d’une forme de coquetterie suspecte, » a-t-il dit. « Je ne parle pas du service des urgences oĂč le personnel mĂ©dical est exposĂ© Ă  la « dĂ©compensation » devant les situations quotidiennes qu’ils vivent,» ajoute-t-il.
En matiĂšre de santĂ©, les statistiques des dĂ©penses en soins comparĂ©es au PIB, sont en rĂ©gression. Cette tendance est nettement illustrĂ©e par les budgets de santĂ© des deux derniĂšres annĂ©es : 405 milliards de dinars en 2012, soit 11.250 dinars par personne et 307 milliards de DA en 2013, soit 8.528 dinars par personne. Durant l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, l’Etat a consacrĂ© l’équivalent de 82 euros pour chaque citoyen, pendant que la France, oĂč se soigne une partie des dirigeants algĂ©riens, a consacrĂ© 3.400 euros pour apporter des soins corrects Ă  chacun de ses citoyens. L’écart est abyssal, sans compter le volume et la qualitĂ© des infrastructures dĂ©jĂ  existantes dans l’hexagone.
La réforme de la santé abandonnée
Pour les professionnels du secteur, l’impasse de la politique algĂ©rienne en matiĂšre de santĂ© est « systĂ©mique ». Pourtant, au dĂ©but des annĂ©es 2000, les pouvoirs publics avaient affichĂ© une volontĂ© – en tout cas dans le discours – pour une rĂ©forme de ce systĂšme. Mais au fur et Ă  mesure que les rentrĂ©es d’argent augmentaient, avec des prix des hydrocarbures portĂ©s au plafond sur le marchĂ© mondial, le gouvernement s’est contentĂ© d’allouer des enveloppes budgĂ©taires.
Plus tard, cette reforme est devenue une simple rĂ©forme hospitaliĂšre, Ă©voquĂ©e une Ă©niĂšme fois dans le nouveau plan d’action du gouvernement Sellal.
A titre indicatif, le prĂ©sident du SNPSP insiste sur le fait que le financement de notre systĂšme algĂ©rien de la santĂ© est financĂ© par trois sources : les dotations budgĂ©taires de l’Etat, un forfait hospitalier de la SĂ©curitĂ© Sociale,et une participation des mĂ©nages.
Un systÚme de santé fragile
Or, une Ă©conomie basĂ©e sur la rente, comme la nĂŽtre, entraine automatiquement une abondance de plans de dĂ©veloppement, ou des coupes sombres dans les allocations lorsque cette rente se rĂ©trĂ©cit. Un scĂ©nario dĂ©jĂ  vĂ©cu par les hĂŽpitaux algĂ©riens Ă  la fin des annĂ©es 80, avec des pĂ©nuries de mĂ©dicaments et des problĂšmes de maintenance du matĂ©riel. En outre, un tel systĂšme s’adapte mal Ă  l’introduction de technologies nouvelles de plus en plus coĂ»teuses, dont en fin de course, les mĂ©nages eux mĂȘmes sont contraints de supporter les coĂ»ts gĂ©nĂ©rĂ©s.
L’OMS estime que lorsque la part des mĂ©nages dans les dĂ©penses de soins dĂ©passe les 50%, le systĂšme risque de s’écrouler.
Selon le docteur Ahmed Benagouech, psychiatre installĂ© Ă  Chlef, il n’existe pas de statistiques fiables en AlgĂ©rie, mais il est aisĂ© de constater que les actes les plus coĂ»teux, comme les analyses mĂ©dicales, les radiologies, les scanners 
etc. sont gĂ©nĂ©ralement pris en charge par les patients eux-mĂȘmes. Les montants pris en charge par la CNAS sont qualifiĂ©s de « ridicules », du fait du maintien de la nomenclature des actes en leur Ă©tat depuis 1986.
Effets d’annonce
Pour les professionnels du secteur, l’absence dans les mĂ©dia, de compte-rendus des souffrances endurĂ©es par les malades du cancer, ou des prises en charge dĂ©faillantes dans les services des urgences des hĂŽpitaux algĂ©riens, n’est qu’un rĂ©pit. Elle est induite par « une forme d’essoufflement du mouvement des praticiens,» et une conjoncture oĂč la presse privilĂ©gie des dossiers plus proches des luttes politiques dans le sĂ©rail. Mais ils ajoutent que l’activisme du ministre de tutelle, Abdelmalek Boudiaf, pour annoncer coup sur coup la construction d’hĂŽpitaux avec la passation de marchĂ©s de grĂ© Ă  grĂ©, et la programmation de centres rĂ©gionaux de radiothĂ©rapie, ne pourront rien si les coĂ»ts rĂ©els des actes mĂ©dicaux ne sont pas cernĂ©s et la nomenclature des tarifs de remboursement ne sont pas mis Ă  jour par la CNAS. « Sinon, il ne servirait Ă  rien de dĂ©clarer que la mĂ©decine est gratuite, pendant que les petites gens se ruinent pour se soigner, » conclut le docteur en psychiatrie.

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