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La « rente » du dinar officiel a explosé

Par Maghreb Émergent 25 janvier 2025

Par El Kadi Ihsane.

L’écart entre la valeur du dinar officiel et celle du dinar du marché parallèle approche dangereusement du marqueur symbolique des 100% en ce début d’année. En langage courant, il faudra bientôt deux fois plus de dinars pour obtenir un euro au marché noir comparé à ce qu’il faut de dinars pour un euro à la banque.

Le dinar se maintient entre 139 et 140 dinars pour un euro acheté depuis un mois, tandis que sa valeur, après s’être raffermie quelques semaines sur le marché parallèle – effet d’annonce de la nouvelle allocation touristique – a repris sa baisse tendancielle pour s’établir autour des 255 dinars pour un euro cette dernière semaine. Il faut donc 116 dinars de plus pour acheter un euro au marché noir.  83,4% de sa valeur officielle. Le cap des 100% est bien en vue.  C’est grave docteur ?  C’est en voie de le devenir.

Les banques centrales des économies dollarisées de l’Amérique du Sud des années 90 visaient le retour sous ce premier seuil-cible dans leurs politiques d’ajustement monétaire. Un peu comme repasser sous les 39 degrés dans le traitement grippal. ). Un écart inférieur à 30 dinars par euro acheté a fait flamber toute une économie de l’évasion du dinar bancaire, avec la sur déclaration de factures d’importations sous les deux derniers mandats de Bouteflika. Émarger au dinar officiel était alors une rente d’affaires faisant système. Cette rente a potentiellement explosé depuis 2019.

Accéder au dinar officiel fait « gagner 83,4% de sa valeur si l’on devait aller faire la même transaction en achetant l’euro au noir. La rente du dinar officiel n’en finit pas de grandir, comme le montre ce graphique :

Graphe généré par ChatGPT

Comment en sommes nous arrivés là ? L’écart entre les deux a été relativement continu entre 2015 et 2018 notamment grâce à un glissement de la valeur du dinar officiel quasi proportionnel à sa dépréciation sur le marché parallèle.

Les deux courbes se séparent ensuite la décote du dinar au noir s’accélérant tandis que celle du dinar officiel reste sur le même trend. Ce qui a changé depuis 2022 et qui amplifie l’écart des deux courbes est le quasi arrêt de la dépréciation du dinar officiel. Une première explication serait de tout mettre sur le dos de l’épisode inflationniste du Covid amplifié par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La présidence Tebboune a décidé – et annoncé publiquement – de combattre l’inflation importée en soutenant la parité du dinar.

Le dinar a frôlé un plus bas historique fin aout 2024, en flirtant avec les 150 dinars pour un euro. Il a repris depuis 6 ,6% face à l’Euro. Les importations officielles sont ainsi déflatées certes, mais l’écart avec le marché parallèle de la devise, lui, fini de prendre une allure clinique.

Plusieurs pays ont opté durant les 30 dernières années pour un taux de change multiple. Il s’agit d’un taux de qui change en fonction de la nature de la transaction effectuée, commerciale, investissement, besoins individuels. L’Iran, le Venezuela ou l’Argentine, pour ne citer que ceux-là, n’ont pas réussi à réduire substantiellement la taille du marché parallèle de la devise ni l’écart avec la valeur de la monnaie nationale sur le marché national.

Sans compter les distorsions d’arbitrage et les opportunités pour la corruption qu’il donne à l’administration qui valide les cases. Le gouvernement de Belaid Abdeslam a écarté cette option en 1993. Elle n’est jamais revenue sur la table.

Les partisans de la solution par le haut, le dinar totalement convertible, ne se font plus entendre depuis plusieurs années. C’est un symptôme inquiétant. La confiance dans le pays a-t-elle tant baissé ? L’argument face au risque chaotique de la légalisation de la fuite des capitaux était alors : « La liberté des entrées et sorties des capitaux finirait par stabiliser un cours du dinar médian entre son taux officiel et son taux parallèle, car la convertibilité ne permet seulement la fuite des capitaux, elle les attirent tout autant ». 

Le débat sur les incidences d’un écart en accélération entre les deux valeurs – officielle et parallèle – du dinar est atone en Algérie. Pourtant, l’épargne domestique en devises va suivre la trajectoire de l’écart. Cela torpillerait tous les efforts de bancarisation et de réduction des transactions qui échappent à la fiscalité. Et c’est, bien sûr, loin d’être le seul « perturbateur endocrinien » du développement économique. En attendant, les Algériens guettent toujours les 750 dollars de l’allocation touristique promis pour 2025. Une mesure, au moins celle là, qui ralentirait la dépréciation inexorable du dinar parallèle.  

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