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La paralysie politique retarde un retour au confinement inévitable en Algérie (analyse)

Par Ihsane El Kadi 7 novembre 2020

La première incidence de la vacance présidentielle et du traumatisme référendaire a retentit sur la gestion de la pandémie. Le chaos sanitaire n’est plus loin.

« La situation épidémiologique est hors contrôle depuis deux semaines », affirme un médecin du CHU Neffissa Hamoud (ex-Parnet) à Alger. Le constat est le même partout dans la capitale. Les services Covid sont inondés, les places en réanimation introuvables, l’assistance en oxygène insuffisante. Contacté ce samedi matin, un professeur dans un grand service de Chirurgie à Alger parle de « chaos » : « des malades en détresse respiratoire attendent dans leur voiture sur le parking. « Plus personne n’écoute le docteur Fourar et ses chiffres » ajoute le médecin de Nefissa Hamoud, « ce qu’il donne en décès au niveau national nous le faisons sur deux CHU d’Alger en ce moment. La situation est infiniment plus grave qu’en mars-avril dernier ». Elle est nationale.
Plusieurs Wilayas connaissent la même situation que celle du centre du pays, « les autres wilayas sont sur un point plus bas de la courbe qui est entrain d’exploser. Elles suivent le même chemin du rebond épidémiologique ». Les appels à des mesures fermes – à la suite de docteur Bekkat Berkani de l’ordre des médecins – se sont multipliés dans le corps médical et scientifique ces derniers jours, avec « retour au confinement partout ou les hôpitaux sont débordés ». Le ministre de la santé le professeur Abderrahmane Benbouzid incarne le drame qui se joue depuis plusieurs jours, contraint de dépeindre un tableau « très inquiétant » sans pouvoir enchainer sur des mesures que la crise politique de l’exécutif l’empêche de suggérer.

Djerad se défausse sur les Walis

Dans un tel contexte, le retour au confinement, au moins pour les grands centres urbains les plus touchés, selon le schéma aménagé du printemps 2020 apparaît comme une urgence de santé publique. En l’absence de Abdelmadjid Tebboune, le gouvernement de Abdelaziz Djerad, assommé par le coup de massue référendaire reste paralysé. Il continue d’appliquer mécaniquement une feuille de route de reprise de la vie sociale à contretemps du cycle épidémiologique.
La reprise scolaire puis universitaire, le retour de la prière du vendredi même sous conditions, et le rétablissement de toutes les activités non essentielles arrivent alors que la chaine de transmission du virus s’est déjà dangereusement rétablie depuis le début du mois d’octobre. Le ministre de la santé, le professeur Benbouzid prévenait ce week-end que « le futur sera plus dangereux. Nous n’allons pas attendre que les chiffres flambent ». Or les chiffres, les vrais, ont déjà flambé.
Contraint de réagir, le premier ministre s’est défaussé sur les Walis, la semaine dernière, les sommant de prendre localement les décisions qu’ils jugent nécessaires pour préserver les populations, au moment ou le pouvoir central à Alger demeure incapable de décider d’aucune mesure. Conséquence, peu de walis osent affronter la colère, légitime, des acteurs sociaux de leur territoire contre ce qui est perçue comme la promesse d’une prochaine détresse économique et sociale, faute d’activité. Facteur aggravant dans la paralysie politique en cours, les mesures de soutien aux entreprises et aux artisans promises, notamment lors de la conférence du 16 août dernier, n’ont jamais été mise en œuvre. Le gouvernement redoute de devoir demander un nouvel effort national alors qu’il n’a pas tenu ses promesses après les pertes de revenus subies par le confinement du printemps dernier.

Une paralysie au pire moment

En mars 2020 l’Algérie avait réussi à éviter un décollage brutal de la courbe des contaminations en anticipant le scénario italien. Le tandem Tebboune-Djerad en avait même fait leur premier test opérationnel de gouvernance politique. En automne 2020, l’Algérie assiste à un scénario inverse. Le pouvoir exécutif en crise aigue tergiverse.
Abdelaziz Djerad, trop effacé pour combler la vacance de la fonction présidentielle dans ce contexte d’urgence sanitaire, n’a aucun actif politique sur lequel s’appuyer pour engager une réponse publique efficace face au chaos sanitaire qui survient. Encore moins après le naufrage électoral du 1er novembre dernier.
L’hospitalisation puis l’exil du président Tebboune a durablement désactivé la chaine de décision administrative. La tutelle militaire sur le pouvoir politique fonctionne pour les désignations clés, mais devient inopérante lorsqu’il s’agit de délivrer des mesures dans l’opérationnel de la gouvernance. Elle devient plus un facteur de blocage supplémentaire. Personne ne voudra prendre de mesures dont il ne sait pas si elles ne vont pas déplaire à la haute hiérarchie de l’armée. Le parapluie présidentiel n’est plus là pour endosser l’action du gouvernement.
A l’inverse de la précédente vacance présidentielle, celle de Abdelaziz Bouteflika depuis le 27 avril 2013, l’actuelle n’a pas eu le temps de prévoir une organisation informelle, pour maintenir l’exécutif en situation de prendre des décisions importantes.
Un très préjudiciable hasard de calendrier veut que cette capacité de décider est affectée, au pire moment, sur le front le plus névralgique de la planète : la lutte contre une 2e vague terrifiante de la pandémie du coronavirus dans l’hémisphère nord.

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