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Hydrocarbures

Exploration pétrolière : l’effet Khelil empêche Sonatrach de sortir du système des appels d’offres

Par Oussama Nadjib 20 mars 2017

 

Nazim Zouiouèche, l’ancien PDG de Sonatrach, critique le système des appels d’offres dans l’exploration pétrolière, auquel il préfère un système de consultation. Mais sa démarche fait abstraction de l’effet Chakib Khelil.

 

 Nazim Zouiouèche est un homme très pondéré. L’ancien PDG de Sonatrach, qui a dirigé l’entreprise pendant une période charnière, celle du milieu des années 1990, est connu pour peser ses mots avec soin. Il ne veut surtout pas faire de vague, car la moindre incartade peut déstabiliser un secteur qu’il sait sensible aux effets d’annonces et aux critiques intempestives.

 Cette pondération apparait à travers ses commentaires sur le mégaprojet de 4.000 mégawatts, dans lequel va s’engager Sonatrach. Certes, M. Zouiouèche est un partisan résolu des énergies renouvelables, mais le gigantisme du projet l’inquiète.  Il se demande si la partie algérienne est capable de le manager dans tous ses aspects, même si le futur appel d’offres est divisé en lots. Il préconise une démarche plus pragmatique, en vue de maitriser le dossier.

Ceci n’empêche pas M. Zouiouèche de sortir des chemins convenus, sur certains sujets précis, en proposant une démarche s’appuyant sur un argumentaire solide. Il sait que le monde du pétrole est relativement petit, que l’expertise y est très pointue, et que la moindre sortie de piste peut provoquer des dégâts pour celui qui intervient comme pour le pays concerné.

 

Contourner les appels d’offres

 

Ainsi a-t-il préconisé, au cours d’une émission de Radio-M, une nouvelle formule pour les contrats que pourrait proposer Sonatrach à ses partenaires internationaux dans le domaine essentiel de l’amont pétrolier, l’exploration. M. Zouiouèche propose de passer outre le système des appels d’offres au profit de celui des consultations restreintes, qui présente, selon lui, des avantages certains.

 «L’Algérie, pays souverain, peut se permettre de choisir ses partenaires », affirme M. Zouiouèche. « Au lieu de passer par un appel d’offres, je proposerais une consultation » au sujet des lots à ouvrir au partenariat, ajoute-t-il.  Cette démarche consiste à « demander à des équipes de consulter un certains nombre de sociétés qui ont fait leurs preuves, qui ont les capacités techniques, financières, managériales », et de « discuter avec elles ».

 Rappelant que « le mode du pétrole est petit », et que « les gens se parlent entre eux », il estime que cette démarche « permettrait d’avoir des discussions avancées avec deux ou trois partenaires, de bonne taille et de bonne structure », afin d’arriver à « des accords qui seraient probablement plus profitables que les appels d’offre ouverts à tout le monde».

 

Payer plus cher pour garantir le résultat

 

Il critique le système des appels d’offre, qu’il juge insuffisant. « On sait comment ça se passe » lorsqu’une société veut « prouver des capacités sur papier ». Mais cela « ça ne suffit pas », dit-il, rappelant que « beaucoup (d’entreprises) sont parties sans aller jusqu’au bout de leurs engagements ».

Dans le système d’appel d’offres, « c’est le moins disant » qui remporte le marché, mais on peut choisir de «payer plus cher» pour assurer le résultat, dit-il.  Il insiste: «ces opérations d’exploration et d’exploitation en commun, c’est sur vingt ans que ça se passe (…) Il est très important d’avoir des partenaires qui puissent être fiables pour faire le chemin ensemble pendant vingt ans».

 

L’effet Khelil

 

La démarche de M. Zouiouèche est séduisante sur le papier. Mais dans l’Algérie du 4ème mandat, elle est irréalisable. En cause : l’effet Chakib Khelil. Dans le monde économique algérien, tout le monde sait que les appels d’offres eux-mêmes, malgré les procédures en vigueur, ne constituent plus une garantie suffisante pour assurer une équité des transactions.

 Engager des négociations directes dans le secteur pétrolier sans passer par les appels d’offres est, depuis Chakib Khelil, totalement suspect. Aux yeux de l’opinion, l’opération sera perçue comme un passage en force. Et puis, négocier avec qui ? Avec le français Total, alors que le qualificatif de « hizb frança » est sur toutes les lèvres ? Avec l’italien ENI, dont le parcours est parsemé de scandales, dont celui impliquant M. Chakib Khelil ?

 

La justice, maillon faible du secteur pétrolier

 

En admettant que le secteur de l’Energie dispose de l’expertise nécessaire pour mener une telle opération, il faudrait réunir plusieurs conditions pour passer au modèle suggéré par M. Zouiouèche. Il faudrait d’abord un personnel au-dessus de tout soupçon. Les frasques de M. Khelil et du PDG de Sonatrach Mohamed Meziane, qui travaillait «en famille», ont révélé une plaie très profonde.

Il faudrait aussi que les autres institutions accompagnant le dossier soient elles aussi au-dessus de tout soupçon. Pas seulement celles du secteur de l’énergie, mais d’autres, indirectement rattachées : services de sécurité et justice, notamment.  On a vu, dans de célèbres affaires de corruption, que des personnes, présentées comme des «officiers supérieurs», étaient accusées d’avoir participé au pillage des biens qu’elles étaient supposées préserver. Sans parler de la justice, qui a signé son acte de décès dans l’affaire Khelil.

Il faudra aussi changer la législation en vigueur. Celle-ci, très restrictive, n’a pas empêché la multiplication des scandales et des abus. Une autre législation, plus souple, ferait davantage de dégâts. A moins qu’elle ne soit accompagnée de l’émergence d’un nouveau personnel, mais surtout d’une profonde réforme des pratiques économiques et politiques, avec une transparence à toute épreuve.

 

 

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