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Entre chiffres au vert et réalité en mer : pourquoi les Algériens fuient-ils un pays en “hausse” économique ? 

Par Said Boudour 13 août 2025
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Le président Abdelmadjid Tebboune avait affirmé, il y a quelque temps, que tous les indicateurs de l’économie nationale sont « au vert ».

La Banque mondiale a d’ailleurs classé l’Algérie, il y a quelques jours, dans la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire, et ce pour la deuxième année consécutive, dans sa mise à jour annuelle du classement des économies de ses États membres.

Selon ce même classement, l’Algérie figure parmi dix pays africains dans cette catégorie, aux côtés de l’Afrique du Sud et du Gabon, et également aux côtés de l’Iran, de la Libye et de l’Irak dans la région « Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan ».

L’an dernier, la Banque mondiale avait déjà relevé le statut de l’Algérie, la faisant passer de la « tranche inférieure » à la « tranche supérieure » des pays à revenu intermédiaire, après un examen approfondi des données économiques, selon l’Agence de presse algérienne.

Un constat officiel qui, pour certains observateurs, entre en contradiction avec la réalité sociale, marquée par un flux constant de candidats à l’exil vers l’Europe.

Malgré ces indicateurs économiques annoncés comme positifs, le phénomène de la migration clandestine continue de marquer le pays.

Un nouveau rapport publié par l’ONG espagnole “Caminando Fronteras” révèle que 1.865 personnes ont perdu la vie ou ont disparu en tentant de franchir la frontière ouest entre l’Afrique et l’Europe au cours des cinq premiers mois de 2025, dont 328 victimes sur la route reliant l’Algérie aux côtes espagnoles.

Ce chiffre place la route algérienne au deuxième rang des itinéraires les plus meurtriers, derrière la route atlantique vers les îles Canaries, qui a fait 1.482 victimes. Le rapport indique que 47 % des incidents sont liés à l’absence de mesures de protection de la vie en mer, aux retards ou à l’absence des opérations de sauvetage, ainsi qu’à une mauvaise coordination entre les pays.

Des opérations de sauvetage incessantes

Le ministère de la Défense nationale a, pour sa part, annoncé un lourd bilan ces dernières semaines. Les unités des gardes-côtes ont déjoué plusieurs tentatives d’émigration clandestine et ont secouru 562 personnes à bord d’embarcations artisanales.

Par ailleurs, les détachements de l’Armée nationale populaire et les services de sécurité ont arrêté 718 migrants clandestins de différentes nationalités à travers le territoire national.

Mais ces opérations, malgré leur importance, ne suffisent pas à stopper le flot de tentatives. Des jeunes en pleine force de l’âge, mais aussi des familles avec enfants et femmes, continuent de chercher “une chance de vie” en Europe, indifférents aux risques ou aux fins tragiques documentées par les rapports.

Une histoire en pleine mer

La plus récente de ces histoires s’est déroulée le 29 juillet 2025, lorsque les services de secours tunisiens ont sauvé 12 migrants, dont 11 Algériens, après la panne de leur embarcation en eaux internationales lors d’une traversée partie de la région de Collo en direction de l’Italie.

Après quatre jours d’errance et d’épuisement, le groupe a atteint les côtes de Bizerte, où il a reçu les premiers soins avant d’être transféré à l’hôpital. Lors d’une opération terrestre parallèle, trois autres Algériens du même voyage ont été retrouvés ; ils avaient sauté à la mer avant l’arrivée des équipes de secours.

Un rêve bordé de mort

Face à ces chiffres, la question reste ouverte : pourquoi les Algériens s’obstinent-ils à embarquer sur des “bateaux de la mort” alors que beaucoup d’entre eux en voient les issues tragiques à la télévision et sur les réseaux sociaux ?

Est-ce le désespoir lié aux conditions internes ? Ou la conviction que le risque peut mener à une vie meilleure, quel qu’en soit le prix ?

Ce qui est certain, c’est que la mer ne pardonne pas, et que le nombre de victimes prouve que le rêve européen peut vite se transformer en un cauchemar sans échappatoire.

Chiffres clés de la migration clandestine (janvier – mai 2025) :

  • 1.865 victimes ou disparus en mer, toutes nationalités confondues.
  • 328 morts sur la route algérienne – espagnole.
  • 1.482 morts sur la route atlantique vers les îles Canaries.
  • 38 embarcations portées disparues.
  • 562 personnes secourues par les gardes-côtes algériens.
  • 718 migrants arrêtés sur le territoire national.
  • 112 femmes et 342 enfants parmi les victimes.

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