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En AlgĂ©rie, Tebboune persiste Ă  nier l’existence de “dĂ©tenus d’opinion”

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Le dĂ©bat sensible autour des “dĂ©tenus d’opinion” en AlgĂ©rie a refait surface lors d’une rĂ©union prĂ©sidentielle tenue le 21 mai dernier. Face aux dirigeants de 26 partis politiques, Abdelmadjid Tebboune a campĂ© sur ses positions en rĂ©futant catĂ©goriquement cette notion, pourtant brandie par l’opposition.

Selon les participants, lorsque Louisa Hanoune du Parti des Travailleurs et Youcef Aouchiche du Front des Forces Socialistes l’ont exhortĂ© Ă  “utiliser ses pouvoirs lĂ©gaux pour ordonner la libĂ©ration des dĂ©tenus d’opinion”, le chef de l’État leur a rĂ©torquĂ© : “Il n’y a pas de dĂ©tenus d’opinion dans les prisons du pays”. Une rĂ©plique cinglante qui en dit long sur l’intransigeance du pouvoir algĂ©rien.

S’ensuivit alors un chassĂ©-croisĂ© d’arguments entre les deux camps. L’opposition a notamment brandi le cas du journaliste septuagĂ©naire Saad Bouakba, condamnĂ© l’annĂ©e derniĂšre Ă  six mois de prison ferme pour un article satirique concernant les habitants d’une rĂ©gion au sud de la capitale. Mais Tebboune a fermement rejetĂ© l’idĂ©e qu’il s’agissait d’un “harcĂšlement d’un journaliste pour un article d’opinion”.

Selon le chef de l’État, les propos de Bouakba outrepassaient largement le simple cadre d’un Ă©crit satirique. “Il n’a pas seulement insultĂ© quelques individus, mais bien une rĂ©gion entiĂšre”, a-t-il martelĂ©, justifiant ainsi la sĂ©vĂ©ritĂ© de la condamnation. Une peine que le pouvoir juge proportionnĂ©e Ă  la gravitĂ© de l’infraction commise.

Cependant, Tebboune a tenu Ă  nuancer son propos en soulignant que des circonstances attĂ©nuantes ont Ă©tĂ© prises en compte dans cette affaire. “Nous lui avons Ă©vitĂ© la prison compte tenu de son Ăąge avancĂ©â€, a-t-il expliquĂ©, dĂ©fendant une forme de clĂ©mence Ă  l’égard du journaliste septuagĂ©naire.

Cette dĂ©cision de ne pas l’incarcĂ©rer, malgrĂ© la fermetĂ© de la sentence prononcĂ©e, viserait Ă  dĂ©montrer que le rĂ©gime n’entend pas rĂ©primer aveuglĂ©ment la libertĂ© d’expression. Une maniĂšre, aussi, de rĂ©affirmer l’indĂ©pendance de la justice algĂ©rienne qui, selon Tebboune, applique la loi sans chercher Ă  museler les voix discordantes.

L’incarcĂ©ration du directeur de Radio M et Maghreb Emergeant, Ihsane El Kadi, condamnĂ© Ă  7 ans de prison pour “rĂ©ception de fonds de l’étranger”, a elle aussi Ă©tĂ© dĂ©battue. Le prĂ©sident, inflexible, a imputĂ© ses “ennuis” au seul “financement Ă©tranger interdit par la loi”, rĂ©futant toute thĂšse d’un emprisonnement liĂ© Ă  son activitĂ© journalistique.

Pourtant, les faits semblent contredire cette version. Le ComitĂ© national pour la libĂ©ration des dĂ©tenus recense bel et bien plus de 230 militants du Hirak emprisonnĂ©s, dont certains ĂągĂ©s de plus de 70 ans, pour avoir exprimĂ© des positions critiques. Sans compter qu’Ihsane El Kadi avait initialement Ă©copĂ© d’une peine de 6 mois ferme pour un simple article, suite Ă  une plainte de l’ancien ministĂšre de la Communication, Amar Belhimer.

Cette posture de dĂ©ni du pouvoir, en dĂ©calage avec la rĂ©alitĂ©, soulĂšve l’indignation. En se drapant dans un lĂ©galisme aveugle, Tebboune fait fi des appels rĂ©pĂ©tĂ©s d’organisations internationales Ă  libĂ©rer ces dĂ©tenus, pourtant emprisonnĂ©s pour avoir exercĂ© leur droit fondamental Ă  la libertĂ© d’expression.

Au-delĂ , c’est l’ensemble de l’échiquier politique algĂ©rien qui semble fragilisĂ© par ce bras de fer. Si le prĂ©sident a qualifiĂ© cette rĂ©union de “remarquable et sans prĂ©cĂ©dent”, force est de constater que le dialogue peine Ă  s’instaurer, entravĂ© par cette nĂ©gation systĂ©matique des rĂ©alitĂ©s.

Dans un contexte rĂ©gional tendu, oĂč Tebboune a dĂ©noncĂ© les “tentatives Ă©trangĂšres de dĂ©stabiliser le pays” et les troubles chez les voisins, cette crispation inquiĂšte. L’ouverture dĂ©mocratique tant espĂ©rĂ©e semble bel et bien se heurter Ă  l’inflexibilitĂ© du rĂ©gime, dont les rĂ©formes cosmĂ©tiques peinent Ă  masquer l’immobilisme foncier.