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Économie

Davos, Fos Sur Mer; comment le monde et l’AlgĂ©rie ont symboliquement changĂ© en une sĂ©quence

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La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane sur El Watan se penche cette semaine sur la dĂ©fense de la mondialisation par la Chine face aux visĂ©es protectionnistes de Trump, les dĂ©faillances de livraison de gaz naturel algĂ©rien Ă  Engie et le lancement par l’AlgĂ©rie du plus grand appel offre du monde pour produire de l’électricitĂ© solaire.

Trois Ă©vĂšnements ont imprimĂ© cette semaine la chronique du monde qui change. L’effet ciseau Ă  Davos entre les deux premiĂšres Ă©conomies du monde, les Etats et la Chine. La premiĂšre complainte française qui pointe les dĂ©faillances de livraison de gaz naturel algĂ©rien et le lancement par l’AlgĂ©rie du plus grand appel offre du monde pour produire de l’électricitĂ© solaire. Les trois Ă©vĂšnements sont corrĂ©lĂ©s au mĂȘme mouvement tectonique. La mondialisation en crise change la position des piĂšces sur son Ă©chiquier. DĂ©but 2017 est un moment charniĂšre symbolique dans la partie. D’abord l’instant Davos. Le prĂ©sident de la Chine, Xi Jiping, y est venu pour la premiĂšre fois. Pile poile le jour ou Donald Trump a renouvelĂ© sa charge contre le dĂ©ferlement de marchandises qui rentrent aux Etats Unis et qui dĂ©truisent les emplois amĂ©ricains. Xi Jiping a donc campĂ© le rĂŽle du grand dĂ©fenseur du libre Ă©change : « tout le monde sera perdant dans une guerre commerciale » a t’il prĂ©venu. C’est une rĂ©volution copernicienne dans un Ă©crin blanc Ă  2000 m d’altitude. L’économie qui incarne le capitalisme conquĂ©rant le monde tourne le dos Ă  son crĂ©do avec le protectionnisme agressif de Trump, tandis que l’économie Ă©mergeante que dirige encore un parti communiste reprend le flambeau pour dire tout le bien de la mondialisation. Ce croisement en ciseau des trajectoires des Etats Unis et de la Chine n’est pas le rĂ©sultat d’un accident de conjoncture. La mondialisation a affaiblit une grande partie des amĂ©ricains et renforcĂ© une grande partie des chinois. Elle a rĂ©duit l’écart entre les deux pays en trois dĂ©cades Ă  une allure jamais Ă©galĂ©e dans l’histoire Ă©conomique du monde. En 2017, les perdants de la mondialisation aux Etats Unis espĂšrent, en ayant portĂ© au pouvoir un prĂ©sident populiste qui a surfĂ© sur la peur de l’Etranger, renverser la trajectoire de ces trente derniĂšres annĂ©es. Ils ne se rendent seulement pas compte que, dans les rĂšgles du capitalisme mondial que leur pays Ă  Ă©tablit durant l’aprĂšs guerre, le protectionnisme est l’arme des moins compĂ©titifs face aux conquĂ©rants. Avec Barack Obama, les Etats Unis ont assumĂ© pour la premiĂšre fois le renoncement au statut de mono-puissance militaro politique rĂ©gulatrice de la marche du monde et de ses conflits. Avec Donald Trump l’AmĂ©rique entre dans l’ùre non assumĂ©e verbalement du renoncement Ă  la domination Ă©conomique du monde. Et bien sur la Chine fait le mouvement inverse. Elle est en confiance dans le libre Ă©change. Elle est dans le cycle de sa puissance ou elle y gagne plus qu’elle n’y perd. L’industrie exportatrice amĂ©ricaine mĂȘme forte du renfort des GAFAM (GĂ©ants des services numĂ©riques) n’arrive plus Ă  vendre aux exclus de la mondialisation l’idĂ©e d’un lendemain meilleur grĂące au libre Ă©change. La passation symbolique de pouvoirs a bien eu lieu cette semaine. Pas entre Obama et Trump. Mais entre les Etats unis et la Chine.

Des livraisons de gaz annulées

Une autre passation symbolique s’est produite. En AlgĂ©rie. Elle concerne le modĂšle Ă©nergĂ©tique algĂ©rien de demain. Point de dĂ©part du rĂ©cit, la sortie du DG de GRTgaz l’organisme français en charge de la distribution du gaz dans le sud est de la France. Il a Ă©voquĂ© des « bateaux algĂ©riens annulĂ©s » sur le spot de Fos sur Mer, et une difficultĂ© de son fournisseur algĂ©rien « avec sa production de gaz ». A tel point que par vague de froid persistante, la situation du Sud Est de la France en est devenue « inquiĂ©tante ». La rĂ©ponse algĂ©rienne ne s’est bien sur pas faite attendre. Sonatrach s’est fondue d’un communiquĂ© pour expliquer qu’elle n’avait aucune dĂ©faillance contractuelle et que les volumes additionnels de GNL demandĂ©s par le client Engie Ă  Fos sur Mer (Marseille) n’ont pas Ă©tĂ© livrĂ© parce qu’ils n’étaient pas aussi bien rĂ©munĂ©rĂ©s que par d’autres clients. En clair l’AlgĂ©rie a prĂ©fĂ©rĂ© donner la prioritĂ© Ă  des clients moins chiches sur le prix du Million de BTU. Le ministre de l’énergie Noureddine Bouterfa a niĂ© qu’il existait un problĂšme de production de son cĂŽtĂ©, et a mĂȘme rĂ©pondu Ă  une question de journaliste ; qu’il ne comprenait pas pourquoi c’était Ă  l’AlgĂ©rie de s’inquiĂ©ter de cette tension sur les fournitures de GNL. Ce qui a laissĂ© dire que Sonatrach voulait utiliser le contexte de cet hiver particuliĂšrement rigoureux pour amener Engie (ex GDF Suez) Ă  revenir Ă  l’achat de volumes plus importants sous rĂ©gime du contrat de longue durĂ©e. La vĂ©ritĂ© des chiffres contre dit sĂšchement tous ces scĂ©narios. Sonatrach s’est ajustĂ©e durant 40 ans Ă  la demande de son client français en trouvant sans problĂšme le prix des volumes facultatifs prĂ©levĂ©s. Les exportations algĂ©riennes ont baissĂ© de 62 milliards de m2 en 2007 Ă  41 milliards de m2, notamment Ă  cause d’une croissance hors norme de la consommation intĂ©rieure, encore 4,2% en 2015. Les livraisons de gaz par gazoduc Ă  l’italien ENI sont passĂ©es de 23 Milliards de m3 par an il y’a six ans Ă  12 milliards de m3 en 2015. La dĂ©faillance d’approvisionnement Ă©tait pendante avec la France. Elle ne prend certes pas l’allure d’un dĂ©faut contractuel, mais elle transgresse l’esprit du contrat. Faute de quantitĂ©s disponibles. L’AlgĂ©rie est symboliquement devenue cette semaine un fournisseur de gaz de taille moyenne. En attendant pire.

La lumiĂšre du solaire pour le meilleur

Le pire n’est jamais inĂ©luctable. Le lancement du chantier de 4000 mĂ©gawatts d’électricitĂ© solaire en AlgĂ©rie ouvre une premiĂšre voie de salut pour rester exportateur de gaz naturel Ă  2030. Le gouvernement a adoptĂ© un dĂ©cret dĂ©finissant les conditions du cahier des charges du gigantesque appel d’offres pour produire et distribuer 4 GW d’électricitĂ© d’origine solaire Ă  2019. C’est le plus grand chantier, Ă©clatĂ© sur plusieurs sites dans le pays, d’électricitĂ© solaire au monde scellĂ© en un seul appel d’offres. Une trop grande prise de risque financiĂšre et industrielle disent de nombreux spĂ©cialistes. Mais retenons aujourd’hui la puissante charge symbolique de la sĂ©quence. C’est dans la semaine oĂč la France, en situation de prĂ©-urgence, se plaint pour la premiĂšre fois de l’inĂ©lasticitĂ© de l’offre de gaz algĂ©rien que son fournisseur AlgĂ©rie fait enfin le grand saut vers l’électricitĂ© d’origine non fossile. Noureddine Bouterfa a affirmĂ© que cette production de 4GW d’électricitĂ© solaire Ă©conomiserait 62 milliards de M3 de gaz naturel d’ici 2030. En attendant le meilleur. Les 18 GW manquant pour boucler le programme d’énergie renouvelable Ă  2030. Et redevenir un gĂ©ant Ă©nergĂ©tique de 3 e gĂ©nĂ©ration.