De la muraille verte Ă la constellation de satellites, de la production de vaccins Ă la lutte contre le terrorisme, lâEurope et lâAfrique misent sur un programme ambitieux dâici 2030.
Il est vrai que les décisions qui ont adoptées dans la déclaration finale à Bruxelles ce 18 février étaient nombreuses et contiennent quelques différences par rapport aux sommets précédents. Il reste 8 ans pour réaliser cette « vision pour 2030 ».
Tous lâont reconnu et saluĂ©. LâEurope et lâAfrique ont dĂ©cidĂ© de progresser vers un nouvel « état dâesprit », sur lequel le prĂ©sident en exercice de lâUnion Africaine, Macky Sall, est revenu Ă la cĂ©rĂ©monie de clĂŽture. « Il faut crĂ©er aussi une nouvelle atmosphĂšre de travail, une atmosphĂšre mieux adaptĂ©e Ă la volontĂ© politique que nous voulons imprimer Ă ce partenariat. Il faut insuffler un nouvel Ă©tat dâesprit aux relations euro-africaines. Câest ce que jâai appelĂ©, un nouveau logiciel relationnel fondĂ© sur une vĂ©ritable vision de partenariat, pour une croissance et une prospĂ©ritĂ© partagĂ©e », a-t-il martelĂ©.
La dĂ©claration finale du sommet met un accent sur une vision commune et prĂŽne un partenariat renouvelĂ© fondĂ© sur « les liens humains, le respect de la souverainetĂ©, la responsabilitĂ© et le respect mutuels, les valeurs partagĂ©es, lâĂ©galitĂ© entre les partenaires et des engagements rĂ©ciproques ». Vaste programme. Et concrĂštement, voici Ă quoi ressembleront les prochaines annĂ©es de ce partenariat.
150 milliards dâeuros pour lâAfrique Ă travers le Global Gateway
Cette initiative de lâUnion europĂ©enne lancĂ©e en dĂ©cembre 2021 vise Ă mobiliser 300 milliards dâeuros dans les 3 annĂ©es Ă venir selon Ursula Von Der Leyen, prĂ©sidente de la commission europĂ©enne. 150 milliards dâeuros seront destinĂ©s Ă lâAfrique pour le plan dâinvestissement africain.
Le Global Gateway est une alternative que lâEurope propose Ă lâAfrique afin de travailler sur des investissements, au moment oĂč la Russie et la Chine envahissent le continent. LâUE compte investir essentiellement sur les personnes et les infrastructures.
AnnoncĂ© Ă lâouverture du sommet, lâappui financier de lâEurope Ă travers le Global Gateway a donc Ă©tĂ© confirmĂ©. La cagnotte dâau moins 150 milliards dâeuros vise Ă encourager les investissements durables Ă grande Ă©chelle. « Nous avons dĂ©cidĂ© dâune mobilisation autour de projets qui correspondent aux prioritĂ©s africaines, afin de soutenir le dĂ©veloppement lâinnovation, la prospĂ©ritĂ© dans le domaine climatique, du numĂ©rique et des infrastructures », a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident du Conseil europĂ©en, Charles Michel. Il a surtout insistĂ© sur la mise en place de mĂ©canisme de suivi pour donner corps aux intentions. « Il est arrivĂ© que dans le passĂ©, les intentions soient fortes et gĂ©nĂ©reuses et extrĂȘmement ambitieuses et que les rĂ©sultats nâĂ©taient pas toujours Ă la hauteur de nos ambitions. LĂ , nous mettrons en place un mĂ©canisme de suivi, de monitoring », a-t- il ajoutĂ©.
LâUe souhaite devenir le premier partenaire de rĂ©fĂ©rence de lâAfrique sur le financement de ses infrastructures. Plusieurs projets ont Ă©tĂ© identifiĂ©s dont une liste de corridors stratĂ©giques. Les projets de rĂ©habilitation de CamRail, du corridor ferroviaire Damiette-Tanta ou les interconnexions Tanzanie-Ouganda, Ghana-Burkina Faso-Mali pourraient ĂȘtre concernĂ©s.
Six hubs pour les vaccin ARN
Ces hubs seront créé au SĂ©nĂ©gal, en Ăgypte, en Tunisie, en Afrique du Sud, au Kenya et au NigĂ©ria, premiers pays Ă accueillir un transfert des technologies ARNmessager.
Celles-ci vont consister Ă former des scientifiques et produire des vaccins contre la Covid-19 pour ensuite les commercialiser en Afrique et au-delĂ du continent. Ce transfert de technologies va mobiliser 40 millions dâeuros du cĂŽtĂ© conseil europĂ©en.
« Le sujet qui restait est liĂ© aux droits de propriĂ©tĂ©s intellectuelles et lĂ aussi les conclusions auxquelles nous sommes parvenues sont encourageantes et doivent nous permettre, dans les mois Ă venir, dâici le printemps, dâarriver Ă un compromis dynamique qui permettent de faire avancer les choses », a assurĂ© Macky Sall, le PrĂ©sident du SĂ©nĂ©gal et prĂ©sident en exercice de lâUA.
Un partenariat vert
La vision commune adoptĂ©e Ă Bruxelles est aussi Ă©cologique. LâEurope va appuyer la rĂ©silience climatique des pays africains. Ce sera Ă travers la mise en Ćuvre des contributions dĂ©terminĂ©es au niveau national (CDN) et des plans nationaux dâadaptation (PAN). Le partenariat sera Ă©galement orientĂ© vers lâessor de chaĂźnes dâapprovisionnement De mĂȘme, le lancement dâun plan dâaction conjoint UE/UA pour le dĂ©veloppement de protĂ©ines vĂ©gĂ©tales en Afrique permettra de dĂ©cliner opĂ©rationnellement le volet Ă©conomique de la Grande Muraille Verte, en rĂ©pondant Ă un triple enjeu de sĂ©curitĂ© alimentaire et nutritionnelle Ă lâĂ©chelle continentale, de dĂ©veloppement de pratiques agro-Ă©cologiques durables. « On doit accompagner lâAfrique sur son modĂšle agricole. Je voudrais rappeler ici lâimportance pour nous de la grande muraille verte qui est une initiative panafricaine quâon a rĂ©activĂ©e en janvier 2021 », a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident français.
Les dirigeants africains et europĂ©ens sont allĂ©s plus loin pour rĂ©affirmer leur attachement Ă la pleine mise en Ćuvre de lâaccord de Paris et des rĂ©sultats des confĂ©rences des parties. « Nous reconnaissons que la transition Ă©nergĂ©tique de lâAfrique est vitale pour son industrialisation et pour combler lâĂ©cart Ă©nergĂ©tique. Nous soutiendrons lâAfrique dans sa transition afin de promouvoir des trajectoires justes et durables vers la neutralitĂ© climatique. Nous reconnaissons lâimportance dâutiliser les ressources naturelles disponibles dans le cadre de ce processus de transition Ă©nergĂ©tique », lit-on dans la dĂ©claration finale du sommet de Bruxelles.
« Nous voulons que les partenariats verts fleurissent sur le continent. Le monde a besoin de lâAfrique pour lutter contre le changement climatique » a conclu Ursula von der Leyen.
De nouvelles approches sur la migration
La question âdĂ©licateâ de la prĂ©vention de la migration irrĂ©guliĂšre Ă©tait aussi au menu des dĂ©bats, de mĂȘme que les mesures Ă prendre face au trafic de migrants. PrioritĂ© a Ă©tĂ© donnĂ©e aux efforts dâamĂ©liorations effectives en matiĂšre de retour, de rĂ©admission et de rĂ©intĂ©gration. Les rĂ©gimes dâasile seront renforcĂ©s en vue dâoffrir un accueil et une protection adĂ©quats aux personnes qui y ont droit. Mais, les dirigeants ont tentĂ© de se focaliser sur la racine du mal, avec Ă la clĂ©, des mesures pour favoriser lâautonomisation des jeunes et des femmes. « Nous avons actĂ© de financer des centres de formation africains pour permettre de former aux mĂ©tiers qui correspondent Ă ce dĂ©veloppement Ă©conomique que jâai Ă©voquĂ© », a dĂ©voilĂ© Emmanuel Macron.
Sécurité et stabilité : « inverser la démarche »
Lâautre avancĂ©e majeure du sommet UE-UA, câest le changement de paradigme sur les questions de sĂ©curitĂ© et de stabilitĂ©. Sans pour autant renoncer Ă lâappui des forces militaires europĂ©ennes, les dirigeants des deux continents misent sur le renforcement des capacitĂ©s et dâĂ©quipements pour intensifier les opĂ©rations autonomes menĂ©es par les forces africaines.
« Il y a une nĂ©cessitĂ© absolue aujourdâhui de regarder les choses en face et dâagir en consĂ©quence. Les Etats africains sont prĂȘts Ă mobiliser des hommes. Nous avons aussi dans notre architecture Ă lâUnion africaine des forces en attente, des brigades par rĂ©gion. Je crois quâil faut quâon inverse la dĂ©marche », a dĂ©clarĂ© Moussa Faki Mahamat, prĂ©sident de la Commission
de lâUA qui a aussi donnĂ© sa vision du financement de la Paix en clĂŽture du sommet.
LâEurope voit Ă©galement la prioritĂ© dans cette direction. Le prĂ©sident français, Emmanuel Macron a dâailleurs saisi lâoccasion pour rappeler les directives. « Nous avons consolidĂ© une approche partenariale sur la base des demandes et des besoins exprimĂ©s par les pays africains», a-t-il dĂ©clarĂ©, avant de reconnaĂźtre la capacitĂ© de mobilisation africaine dans un cadre rĂ©gional.
« Nous soutenons la demande des Etats africains auprĂšs des Nations Unies dâavoir justement de nouveaux mĂ©canismes qui puissent ĂȘtre financĂ©s par les Nations Unies et qui permettent aux armĂ©es africaines dâassurer des opĂ©rations de stabilisation de lutte contre le terrorisme », a ajoutĂ© le prĂ©sident français. La coopĂ©ration entre les deux continents seront aussi renforcĂ© sur dâautres enjeux comme la cybercriminalitĂ©, et la sĂ©curitĂ© maritime.
Une constellation de satellites pour connecter les deux continents.
La derniĂšre dĂ©cision nâa pas vraiment Ă©tĂ© prise Ă Bruxelles mais ce sommet a bien confirmĂ© quâelle profiterait Ă toute lâAfrique. Le mercredi 16 fĂ©vrier lors du sommet spatial organisĂ© Ă Toulouse, en France, lâUnion europĂ©enne a dĂ©cidĂ© de lancer une « mĂ©gaconstellation » de 250 satellites.
Avec un budget Ă©valuĂ© Ă six milliards dâeuros, cette constellation doit apporter une connexion internet Ă haut dĂ©bit, y compris dans les zones blanches inaccessibles des dĂ©serts numĂ©riques qui peinent actuellement Ă accĂ©der Ă un rĂ©seau terrestre traditionnel.
Or ces myriades de satellites vont couvrir une zone en orbite basse, autour de 500 kilomĂštres, au-dessus de lâEurope et de lâAfrique.