Le constructeur algérien Tirsam se retrouve au cœur d’une polémique inattendue. Alors que la demande pour ses camions dépasse largement l’offre sur le marché national, l’entreprise a récemment publié un communiqué pour clarifier une procédure controversée : l’obligation faite à certains acheteurs de signer une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils ne revendront pas le véhicule à des fins spéculatives.
Une mesure perçue par beaucoup comme une atteinte au droit de propriété, pourtant garanti par la Constitution algérienne.
Un marché sous tension et une production très attendue
La pression sur le marché des camions est réelle. Ces derniers mois, Tirsam n’a pas réussi à satisfaire l’ensemble des commandes locales, alimentant une flambée des prix sur le marché parallèle. Pour y répondre, le constructeur a annoncé une projection de 65 000 camions produits à l’horizon 2026, un volume censé détendre l’offre et réduire mécaniquement les pratiques spéculatives.
Mais dans l’intervalle, la rareté du produit a favorisé des reventes rapides à des prix largement supérieurs au tarif constructeur, transformant certains achats en opérations purement spéculatives.
Le document qui a déclenché la controverse
Le document exigé des acheteurs n’interdit pas formellement la vente ou l’achat d’un camion, insiste Tirsam. Dans son communiqué, l’entreprise affirme qu’il ne s’agit ni d’une obligation à vie, ni d’un verrou juridique sur les transactions légales, mais d’un acte de sensibilisation face aux dangers de la spéculation illicite.
L’objectif affiché est clair : rappeler à l’acheteur que toute revente entrant dans un cadre spéculatif engage sa responsabilité personnelle, et que l’entreprise ne saurait être tenue responsable des infractions commises après la vente.
Un cadre juridique pourtant sans ambiguïté
Sur le plan du droit, la Constitution est explicite. L’article 60 garantit la propriété privée, tandis que l’article 61 consacre la liberté du commerce et d’entreprendre dans le cadre de la loi. En principe, un citoyen reste libre de disposer de son bien une fois acquis.
En parallèle, la loi 21-15 relative à la lutte contre la spéculation illicite encadre strictement les pratiques visant à perturber le marché. Elle prévoit des sanctions civiles et pénales pour les auteurs de spéculation, sans pour autant transférer cette responsabilité au constructeur.
En s’appuyant sur ce cadre légal, Tirsam adopte une stratégie de dissuasion maximale, assumée mais juridiquement sensible. Des associations de consommateurs, dont l’APOCE, estiment que ce type d’engagement devrait être limité dans le temps et mieux encadré, afin d’éviter toute confusion entre prévention et restriction des libertés économiques.