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Opinions

C’est Ă  la Banque d’AlgĂ©rie et non au ministĂšre des Finances de piloter le recyclage de l’argent de l’informel (opinion)

Par Yacine Temlali 15 août 2015
Dessin publié sur www-bledmakach-.over-blog.com.

Pour l’auteur, le ministĂšre des Finances est chargĂ© essentiellement de l’optimalisation des choix budgĂ©taires et n’a pas pour vocation de piloter une telle opĂ©ration.

 

 

L’administration fiscale algĂ©rienne a informĂ© les citoyens qu’un programme de conformitĂ© fiscale volontaire est mis en place Ă  compter du 2 aoĂ»t 2015, et ce, en vertu de la loi de finances complĂ©mentaire (LFC) pour 2015, votĂ©e fin juillet dernier. Les entrepreneurs du secteur de l’informel – ils dĂ©tiendraient, selon le Premier ministre, plus de 37 milliards de dollars – sont invitĂ©s Ă   dĂ©poser leur capital argent dans les banques. Les sommes dĂ©posĂ©es dans ce cadre par toute personne, quelle que soit sa situation, font l’objet d’une taxation forfaitaire libĂ©ratoire au taux de 7%, selon l’article 43 de la LFC, le dispositif  fixant une date limite le 31 dĂ©cembre 2016 Ă  cette opĂ©ration. Au delĂ  de cette date, ceux n’ayant pas souscrit pour lĂ©galiser leur argent seront redressĂ©s dans les conditions de droit commun applicables en la matiĂšre. 

C’est lĂ  une amnistie fiscale indirecte et limitĂ©e dans le temps contre une taxe forfaitaire libĂ©ratoire, c’est-Ă -dire simple et non rĂ©troactive. Pour ses initiateurs, elle devrait permettre d’éviter les pĂ©nalitĂ©s et les redressements consĂ©quents Ă  une Ă©ventuelle dĂ©couverte de leurs activitĂ©s par les administrations compĂ©tentes. Toujours selon l’article 43, « les sources de ces fonds ou les transactions qui en sont Ă  l’origine doivent ĂȘtre lĂ©gitimes et ne correspondre Ă  aucun acte incriminĂ© par le Code pĂ©nal et la lĂ©gislation rĂ©gissant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».

Ce dispositif rĂ©ussira-t-il Ă  drainer toutes ces sommes qui Ă©chappent au fisc ? Que constatons-nous ? La Banque d’AlgĂ©rie fait dĂ©raper le dinar au moment oĂč, pour dĂ©poser ses fonds dans les banques, le citoyen a besoin d’avoir confiance en la monnaie nationale, autrement dit de sa stabilitĂ© relative. Le cours du dinar sur le marchĂ© parallĂšle, malgrĂ© la venue de nombreux Ă©migrĂ©s, a dĂ©passe les 160 dinars pour un euro. La seule explication de cette dĂ©prĂ©ciation est la baisse des rĂ©serves de changes clĂŽturĂ©es Ă  160 milliards de dollars fin mars 2015 (qu’en est-il en aoĂ»t 2015 ?)La question se pose : au moment oĂč le cours de l’euro s’apprĂ©cie par rapport au dollar, pourquoi cette dĂ©valuation sinon pour voiler l’importance du dĂ©ficit budgĂ©taire ? Cela aura-t-il un impact sur la valeur des importations sachant que celles-ci satisfont 70% des besoins des mĂ©nages et des  entreprises privĂ©es? N’oublions pas que nous sommes Ă  l’ùre de la mondialisation et que bon nombre d’inputs sont croisĂ©s provenant tant de la zone dollar que la de la zone euro. 

Pour en revenir au recyclage de l’argent de la sphĂšre informelle, la question se pose Ă©galement : pourquoi c’est le ministĂšre des Finances qui pilote cette opĂ©ration et non pas la Banque d’AlgĂ©rie dont c’est le rĂŽle principal ? Le ministĂšre des Finances est chargĂ© essentiellement de l’optimalisation des choix budgĂ©taires, il n’a pas pour vocation de piloter une opĂ©ration de recyclage de l’argent informel, les rĂšgles prudentielles Ă©tant du seul ressort de la banque d’AlgĂ©rie et la fiscalitĂ© jouant seulement Ă  l’aval.  La Banque d’AlgĂ©rie, elle,  est la seule, selon la loi, habilitĂ©e Ă  Ă©mettre les rĂšgles prudentielles. C’est elle qui est chargĂ©e de rĂ©gler la circulation monĂ©taire, de diriger et de contrĂŽler, par tous les moyens appropriĂ©s, la distribution du crĂ©dit, de rĂ©guler la liquiditĂ©, de veiller Ă  la bonne gestion des engagements financiers Ă  l’égard de l’étranger, de rĂ©guler le marchĂ© des changes et de s’assurer de la sĂ©curitĂ© et de la soliditĂ© du systĂšme bancaire. Elle est consultĂ©e par le gouvernement sur tout projet de loi et de texte rĂ©glementaire relatif aux finances et Ă  la monnaie et elle peut lui proposer toute mesure de nature Ă  exercer une action favorable sur la balance des paiements, le mouvement des prix, la situation des finances publiques et, d’une façon gĂ©nĂ©rale, le dĂ©veloppement de l’économie.

 

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