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 Brésil – COP30 se termine par un accord minimum qui consacre la résistance du camp fossile

Par Oussama Nadjib 23 novembre 2025
Une COP sans “roadmap” : le statu quo l’emporte, les "fossiles" gagnent une manche.

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Le camp des énergies fossiles a tenu bon à la COP 30 malgré le forcing des partisans de la mise en oeuvre d’une feuille de route de sortie progressive des énergies carbonées. Le statu-quo reste de mise. 

La 30ᵉ Conférence des Parties (COP 30), qui s’est tenue à Belém (Brésil), devait marquer un tournant : après l’accord historique de Dubaï (COP 28) sur la “transition hors des énergies fossiles”, de nombreux Etats, dont ceux de l’Union européennes, défendaient un texte ambitieux avec une  feuille de route ferme pour abandonner le pétrole, le gaz et le charbon. Une option qui a rencontré une vive résistance des pays pétroliers et de l’industrie des hydrocarbures qui ont, au final, obtenu gain de cause. 

Le compromis final, minimaliste, ne comporte pas d’engagements dans ce domaine. Pour rappel, l’engagement à « s’éloigner progressivement des énergies fossiles » était le principal résultat de la COP28 , qui s’est tenue à Dubaï en 2023. Un objectif que des pays pétroliers, et à leur tête   l’Arabie saoudite, ont par la suite,  entrepris de remettre en cause. Lors des négociations climatiques de Bakou en 2024,  les tentatives de suivi et de développement de la résolution ont échoué. Soucieux d’éviter un échec, les hôtes brésiliens de la COP 30 se sont abstenus d’inscrire la « transition énergétique » à l’ordre du jour officiel de la conférence. 

Une COP sans “roadmap” : le statu quo l’emporte

Dès les premières heures des négociations, plus de 80 pays, dont l’Union européenne, ont tenté d’imposer une “roadmap” pour la réduction progressive des énergies carbonées. Sans succès. Le texte  final n’inclut pas d’engagement contraignant de sortie. L’accord se contente d’une référence au “consensus des Émirats arabes unis” acté à Dubaï : une mention symbolique, sans calendrier précis. 

L’ONG 350.org, tout en notant  des “élements positifs concernant la justice climatique” ne cache pas son dépit sur l’absence d’un véritable plan de sortie du fossile: “pas de calendrier, pas de financement clair, juste des promesses sur papier”. Le Centre pour la diversité biologique note pour sa part que l’accord final, “qui intervient deux jours après un incendie survenu sur le lieu du sommet, n’a pas inclus de feuille de route pour opérationnaliser et financer l’accord de Dubaï de la COP28 visant à « s’éloigner des combustibles fossiles », malgré la forte dynamique de plus de 80 nations en faveur de son inclusion”.

 Le poids des intérêts pétroliers

Les négociations acharnées ont montré que des pays producteurs ne sont pas prêts à lâcher du lest. Malgré l’absence des Etats-unis à la COP 30, l’Arabie saoudite et  la Russie ont rejeté avec fermeté des  engagements contraignants. Ce qui a donné lieu à une formule vague plutôt qu’un calendrier clair. Les Etats pétroliers étaient par ailleurs puissamment soutenus par l’industrie pétrolière et gazière qui, selon le Le Centre pour le droit international de l’environnement ( CIEL ) étaient particulièrement présents à  Belém, aux côtés des partisans du captage de carbone. “ Avec 531 lobbyistes du captage et du stockage du carbone (CSC) – dépassant les délégations de 62 pays – et plus de 1 600 lobbyistes des énergies fossiles, soit un participant sur 25, ces industries ont profondément influencé les négociations, promouvant des solutions de diversion dangereuses comme le CSC et la géo-ingénierie” note l’ONG. 

Si l’engagement énergétique est resté flou, COP 30 a en revanche acté d’importants engagements financiers. Le texte final prévoit notamment le triplement des financements pour l’adaptation au changement climatique d’ici 2035.  Une avancée non négligeable, surtout pour les pays les plus vulnérables, mais qui ne traite pas la racine de la crise. 

Quid de l’Algérie ?

L’enjeu prend une dimension particulière pour l’Algérie. Le pays est un acteur  du secteur énergétique : en 2023, l’Algérie était premier producteur de gaz naturel en Afrique et troisième producteur de pétrole sur le continent.  Son économie dépend fortement des hydrocarbures : le secteur représente une part importante du PIB et des exportations. Selon le Climate Change Performance Index, plus de 90 % des exportations algériennes proviennent des fossiles. 

Une configuration qui place l’Algérie dans le camp des pays “fossiles”. De fait, sa stratégie énergétique, loin d’une transition radicale, vise plutôt à consolider ses revenus via le gaz et le pétrole. Une récente étude intitulé les “risques d’une transition retardée pour l’Algérie”  rappelle que le pays détient l’un des dix plus grands gisements de gaz au monde, et que sa part des énergies fossiles dans le mix énergétique reste quasi totale. L’absence d’une feuille de route contraignante donne à  l’Algérie une marge de manœuvre stratégique : tant que le cadre international demeure permissif, avec des accords flous comme celui de COP 30, elle peut continuer à exploiter ses ressources tout en se permettant de critiquer l’inaction climatique.

Le dilemme futur : transition ou blocage

Au-delà du constat, COP 30 pose une question fondamentale : combien de temps les pays producteurs pourront-ils tirer profit de leur rente énergétique sans subir les contrecoups d’une transition inévitable ? Les négociateurs progressistes craignent que l’absence d’un “roadmap” contraignant ne compromette l’objectif des 1,5 °C, alors que les pays dépendants des fossiles comme l’Algérie risquent à terme de se retrouver pris au piège d’infrastructures rendues obsolètes — ou “verrouillées”.

La COP 30 se termine donc avec un texte moins ambitieux, un recul sur la « feuille de route fossile », mais aussi un mécanisme de transition juste et une montée en puissance du financement de l’adaptation. Pour les  pays pétroliers, l’accord minimaliste représente un soulagement tactique : il préserve leur modèle énergétique à court terme.

Mais à  mesure que les coalitions pro-transition se renforcent, la pression pourrait croître. Si l’Algérie veut rester un acteur clé, elle devra bientôt choisir entre prolonger sa stratégie pétro‑gazière ou s’engager dans une mutation profonde en misant sur le renouvelable et l’énergie verte. Le silence de Belém sur l’abandon des énergies fossiles pourrait n’être qu’une pause.

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