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Maghreb

Bouteflika, l’Algérie et les images d’un très mauvais moment : du seum et de la raison

Par Yazid Ferhat 12 avril 2016

« Voir tout cela avec détachement. Se dire qu’on parle d’un autre pays… ». C’est la méthode, froide, suggérée par un ami devant les commentaires cruels de certains médias français au sujet de l’état de santé du Président Abdelaziz Bouteflika.

 

Les images de sa rencontre avec le Premier ministre français, Manuels Valls, ont été l’occasion pour des médias français de prendre leur « vengeance » après le refus de visa infligé au journal Le Monde pour sa « une » erronée associant directement le président algérien aux Panama Papers.

Le problème est qu’il est difficile de voir tout cela avec détachement, de se dire que l’on parle d’un autre pays que l’Algérie. C’est notre pays et ces commentaires jubilatoires, cruels, indécents parfois, nous heurtent et nous mettent dans un état de perturbation extrême.

C’est du « seum », du poison, diraient nos frères beurs de France. Du grand seum, dur à avaler. Devant cette énième humiliation qui nous est infligée, l’une des premières réactions, défensives, venue d’une amie, consiste à rappeler aux autres, aux français qui la « ramènent un peu trop » que même avec leur institutions et leur presse libre, ils n’en mènent pas large.

« Depuis le temps qu’on sait que « hem ebaki, hem eddahak » notre handicapé national fait aussi bien que leur président-poire en bonne santé » dit-elle en rappelant le gag algérien du « poulet éviscéré qui se moque du poulet égorgé et découpé en tranches. « 

Un autre ami se souvient aussi que la France a vécu l’agonie de George Pompidou et qu’un François Mitterrand malade est allé jusqu’au bout de ses mandats. « Encore une fois, la turpitude algérienne permet d’oublier le moisi français », dit-il.

Ces répliques font rire mais ils n’ont rien de réconfortants. On subit le « seum » et le seum nous fait mal. Signe qui ne trompe pas, il n’y a pas eu, contrairement aux habitudes, beaucoup de partages sur les réseaux algériens de ces images et de ces commentaires venues de France.

La presse algérienne, elle, s’est très largement abstenue d’en faire ses choux gras. Par pudeur, non par peur. Après tout, pour reprendre la formule consacrée par Abed Charef, « nous sommes dans le 4ème mandat », tout le reste suit, inexorablement.

On s’oublie, c’est humain. Mais de temps à autre, des événements ou des images, viennent nous rappeler que l’on n’est pas sorti de la sidération nationale du 4ème mandat, de ce fameux « 18 rue de l’impasse » qui a suivi l’élection présidentielle du 17 avril 2014.

Un choix de statuquo a été fait par les tenants du régime, la suite est du domaine de l’aléatoire. Et de la « liberté de la presse » puisque que contrairement aux habitudes on a laissé des photographes s’approcher du président et prendre des clichés. Que M. Manuels Valls en politico-twitomaniaque s’est empressé de diffuser.

L’aléatoire dans lequel le pays est plongé est dans l’état de santé du président où il y a parfois de plus mauvais moments que d’autres. Et manifestement, quand il a reçu le Premier ministre français, il était dans un de ces plus mauvais moments à ne pas montrer. Et que nous avons vu. Et qui met beaucoup d’algériens, eux aussi, dans un très mauvais moment.

La compassion pour un homme, amoindri, se double aussi d’une colère à l’égard de ceux qui détiennent les leviers du régime et qui lui infligent  » cela » et qui nous l’infligent, à nous aussi. L’Algérie est, on le ressent, au-delà de la colère et de la sidération, au-delà du dégoût que nous inspirent certains cocoricos vengeurs faciles de certains médias français, dans une épouvantable situation de fin de régime.

Et, nombreux sont les Algériens, malgré les commentaires stupides de certains politiciens qui les accusent de lâcheté, ne veulent pas bousculer les choses. Ils ne veulent pas d’un effondrement qui emporte le pays et obère son avenir. Ils cherchent à garder la tête froide.

Ils espèrent, encore, qu’il reste quelque part, au sein du régime, une part de raison et de lucidité pour comprendre que les choses sont graves. Et qu’elles ne doivent pas durer. Qu’il faut sortir de manière ordonnée de cette impasse mortifère.

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