M A G H R E B

E M E R G E N T

Actualités

Banques publiques contre banques privées : qui finance vraiment l’économie algérienne

Par Yasser K 25 novembre 2025
Agence de la BNA à Alger. En 2024, la banque publique a dopé ses crédits de 11,68 %, l’une des plus fortes hausses du secteur. (DR)

blank

Le crédit repart, mais de façon inégale. En 2024, la hausse est là, mais elle varie fortement selon les banques et les clientèles. Certaines institutions accélèrent, d’autres reculent ou stagnent. Et dans ce contexte, la comparaison entre banques publiques et privées révèle bien plus qu’un simple partage de marché : elle raconte comment l’économie réelle est financée, ou parfois contournée.

Les prêts à la clientèle ont augmenté de 4,39 % en 2024, à peine au niveau de l’inflation. Ce n’est pas une stagnation, mais on ne peut pas non plus parler d’élan. Ce qui frappe surtout, c’est la manière dont cette hausse se répartit. Les banques publiques, qui dominent le paysage et représentent plus de 87 % du total de bilan, restent les acteurs centraux du financement. Elles assument 83,4 % des crédits du pays. Elles irriguent presque toutes les entreprises publiques, ce qui n’est pas une surprise, et continuent aussi de fournir environ les trois quarts des prêts accordés au secteur privé. Autrement dit, elles structurent le système, avec tout ce que ça implique.

blank

Les banques privées, en revanche, avancent seules, sur un terrain beaucoup plus étroit. Elles n’interviennent que dans le privé, un choix qui n’en est pas vraiment un puisqu’elles n’ont aucun accès au secteur public. Leur poids reste donc limité, à peine 16,6 % des encours totaux. Pourtant, en 2024, elles affichent une progression plus vive que les banques publiques, avec une hausse de 9,18 % de leurs crédits. Le contraste est là: elles progressent plus vite, mais sur un périmètre réduit.

Et quand on rentre dans les détails, les écarts deviennent presque vertigineux. La BNA, par exemple, surprend avec une hausse spectaculaire de 11,68 % de ses crédits. La BEA, après deux années de recul, rebondit enfin avec une progression de 10 %. La BDL avance de 8,18 %. Ces banques-là montrent qu’elles peuvent encore jouer leur rôle moteur quand elles s’y remettent sérieusement. À l’inverse, le CPA connaît une véritable dégringolade, avec un recul massif de 15,5 %. La CNEP, pourtant essentielle pour le logement, se contracte légèrement, autour de 3,4 %. On a donc, au sein même du secteur public, des trajectoires opposées, comme si certaines institutions se réveillent alors que d’autres s’enlisent.

blank

Chez les banques privées, le tableau est moins contrasté. Elles progressent plutôt bien, mais dans un cadre limité par définition. Elles financent des entreprises plus jeunes, souvent importatrices, parfois exportatrices, généralement plus rentables, mais beaucoup moins nombreuses que tout l’univers public auquel elles n’ont pas accès. Leur rôle est utile, mais leur portée reste restreinte.

Ce que révèle la structure du crédit

Derrière ces chiffres s’esquisse un diagnostic plus profond : le crédit n’est pas seulement un indicateur financier, c’est un miroir de l’économie réelle. Le fait que 40 % des crédits du pays aillent encore au secteur public montre à quel point l’État continue d’être le principal client des banques, et souvent leur principal risque. Les banques publiques, en se concentrant sur ces entreprises étatiques, soutiennent l’appareil économique… mais au prix d’une moindre diversification. Les banques privées, faute de pouvoir intervenir sur ce segment, ne peuvent financer ni les grandes infrastructures ni les entreprises publiques stratégiques. Le marché est donc fragmenté, et cette fragmentation réduit mécaniquement la concurrence, là où elle serait la plus utile.

Bref, la question n’est pas de savoir qui prête le plus. Les chiffres tranchent : les banques publiques dominent largement. La vraie interrogation est de savoir si le crédit accordé aujourd’hui transforme l’économie ou la maintient dans ses habitudes. Pour l’instant, la réponse semble pencher du mauvais côté. Le crédit redémarre, oui, mais il redémarre là où il est le plus simple à distribuer, pas forcément là où il est le plus utile.

Il faudra, pour sortir de cette mécanique bancale, un système de financement plus équilibré, dans lequel les banques publiques s’ouvrent davantage aux dynamiques privées et les banques privées accèdent à une partie du marché public. Tant que ces deux mondes évolueront en parallèle, sans véritable rencontre, le crédit progressera… mais sans propulsion. Une chose est sûre, la relance bancaire est là, c’est un fait. Mais savoir si elle finance autre chose que les habitudes, c’est une autre histoire.

ARTICLES SIMILAIRES

blank
Actualités

Port de Bejaia : forte hausse du trafic passagers en 2025

Le port de Bejaia enregistre une progression remarquable du trafic passagers durant les dix premiers mois de l’année 2025. Selon le Bulletin d’information officiel du port, couvrant la période du… Lire Plus

Flamme orange vif d'une torchère industrielle brûlant du gaz naturel sur fond de ciel bleu.
Actualités Energie

Torchage de gaz : l’Algérie réalise la deuxième meilleure performance mondiale

L’Algérie a réalisé en 2024 la deuxième plus forte réduction mondiale du volume de gaz torché. Une performance qui place le pays en tête des efforts internationaux, avec une baisse… Lire Plus

blank
À l'honneur Á la une

Le service de la dette étrangle les pays en développement : impacts contrastés au Maghreb (BM)

Un rapport de la Banque mondiale publié le 3 décembre 2025 lance l’alerte: dans de nombreux pays en développement, le remboursement de la dette absorbe plus de ressources que les… Lire Plus

blank
Actualités

Béni Abbès: 14 morts et 35 blessés dans le renversement d’un bus

Nouveau drame sur les routes : Le renversement d’un bus ce samedi à Béni Abbès, au sud-ouest du pays, a fait 14 morts et 35 blessés, selon un nouveau bilan de… Lire Plus

blank
Actualités

Grand sud : l’empire invisible de l’or interdit

En Algérie, la contrebande a changé de nature. Après le carburant, longtemps au cœur des trafics frontaliers, c’est désormais l’or qui attire réseaux criminels et migrants sahéliens dans les immensités… Lire Plus