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Algérie-Projet de loi sur le e-Commerce: Manquements, imprécisions et décalages avec des pratiques avancées

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Tout en reconnaissant que l’AlgĂ©rie « accuse un retard sensible » dans le domaine du e-Commerce par rapport « aux pays voisins », les rĂ©dacteurs de l’avant-projet de loi, en cours d’examen au sein d’une commission de l’APN, ne semblent pas s’inspirer des plus rĂ©centes Ă©volutions en la matiĂšre. Il y a comme une volontĂ© de tout vouloir rĂ©inventer. Dans certains de ses aspects, le texte est mĂȘme muet sur les dĂ©tails, et avare en prĂ©cisions. Explications.

 

De ce manque de prĂ©cision, l’article 4 de l’avant-projet de loi sur le commerce Ă©lectronique en est le parfait exemple. Selon l’énonce de cet article : « Est interdite toute transaction par voie de communications Ă©lectroniques des matĂ©riels, Ă©quipements et produits sensibles dĂ©finis par la rĂ©glementation en vigueur, ainsi que tout autre produit et/ou services pouvant porter atteinte aux intĂ©rĂȘts de la dĂ©fense nationale, Ă  l’ordre et Ă  la sĂ©curitĂ© publics ». Outre les interdictions prĂ©vues dans l’article 3 (jeux de hasard, boissons alcoolisĂ©es, tabac, produits pharmaceutiques et produits portant atteinte Ă  la propriĂ©tĂ© intellectuelle), l’article 4 ne prĂ©cise rien. Qu’est-ce qui est ailleurs proposĂ© Ă  la vente sur le Web (et non pas sur le Dark Web, qu’aucun Etat n’a encore pu y mettre fin) et que l’AlgĂ©rie veut interdire. Les ventes d’armes, de drogue, Ă©quipements Ă©lectroniques particuliers ? Le texte n’apporte aucune prĂ©cision.

Par contre, l’avant-projet de loi portant commerce Ă©lectronique est en deçà de ce qui se fait ailleurs depuis de nombreuses annĂ©es. Ainsi, en matiĂšre de « dĂ©lai de rĂ©tractation », le document laisse au « e-fournisseur » la latitude de fixer ses propres rĂšgles. En effet, l’article 10 n’oblige le « e-fournisseur » que de fournir les informations relatives aux « conditions et dĂ©lais de rĂ©traction » sans aucun balisage. Alors qu’ailleurs (notamment en France et dans les pays voisins), ce dĂ©lai est bien prĂ©cisĂ©. Ainsi, en France, dans les amendements apportĂ©s en 2016 Ă  la « Loi Consommation », le dĂ©lai de rĂ©tractation a Ă©tĂ© « portĂ© de 7 Ă  14 jours », permettant ainsi au consommateur de « bĂ©nĂ©ficier d’un temps de rĂ©flexion plus long suite Ă  une commande en ligne ».

Au Maroc et en Tunisie, le dĂ©lai de rĂ©tractation est respectivement de 7 et 10 jours. La rĂ©glementation marocaine stipule que « le consommateur dispose d’un dĂ©lai de sept jours francs pour exercer son droit de rĂ©tractation sans avoir Ă  justifier de motifs ni Ă  payer de pĂ©nalitĂ©s, Ă  l’exception, le cas Ă©chĂ©ant, des frais de retour. Le dĂ©lai mentionnĂ© Ă  l’alinĂ©a prĂ©cĂ©dent court Ă  compter de la date de rĂ©ception du bien ou de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services. Lorsque le dĂ©lai de sept jours expire un samedi, un dimanche ou un jour fĂ©riĂ© ou chĂŽmĂ©, il est prorogĂ© jusqu’au premier jour ouvrable suivant ».

En Tunisie, la réglementation mentionne que « le consommateur peut se rétracter dans un délai de 10 jours ouvrables » à compter « de la date de leur réception par le consommateur, pour les marchandises » ou « de la date de conclusion du contrat, pour les services ». La notification de rétractation par le consommateur « se fait par tout moyen prévu préalablement dans le contrat ».

Droit de rétractation limité

Par ailleurs, en matiĂšre de dĂ©lai remboursement des transactions dĂ©noncĂ©es par les clients, le document ne la prĂ©cise que dans deux cas. Ainsi, le consommateur a le droit de retourner un produit lorsque le e-fournisseur « n’a pas respectĂ© les dĂ©lais de livraison » (art. 21) ou lorsque le produit livrĂ© est « non conforme Ă  la commande » ou « dĂ©fectueux » (art. 22). Dans les deux cas, « le remboursement doit intervenir dans les dix (10) jours ouvrables Ă  compter de la date de restitution du produit ». On note ici que le consommateur ne peut restituer un produit que dans les cas citĂ©s par les articles 21 et 22, soit en cas de dĂ©passement de dĂ©lai de livraison, ou lorsque les produits sont « non conforme Ă  la commande » ou « dĂ©fectueux ».

En France, la loi Consommation permet au consommateur de se faire rembourser « dans un dĂ©lai de 14 jours maximum, aprĂšs avoir exercĂ© son droit de rĂ©tractation auprĂšs du professionnel ou constatĂ© un dĂ©faut de fabrication du produit ». Ici le droit de rĂ©tractation n’est pas balisĂ© comme c’est le cas citĂ© dans l’avant-projet de loi qui est soumis Ă  l’APN.

Au Maroc, outre un « dĂ©lai de sept jours », durant lequel le consommateur peut se rĂ©tracter « sans avoir Ă  justifier de motifs, ni Ă  payer de pĂ©nalitĂ©s, Ă  l’exception, le cas Ă©chĂ©ant, des frais de retour », la loi stipule, en cas de rĂ©tractation du client, que « le fournisseur est tenu de rembourser sans dĂ©lai le consommateur et au plus tard dans les 15 jours suivant la date Ă  laquelle ce droit a Ă©tĂ© exercé ». « Au-delà » de ce dĂ©lai, « la somme due est productive d’intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal en vigueur ».

En Tunisie, le remboursement en cas de rétractation doit intervenir « dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de retour des marchandises ou la renonciation au service ». Le consommateur supporte, quant à lui, « les fiais de retour des marchandises ».

Pour non respect du dĂ©lai de livraison, la loi tunisienne permet au consommateur de restituer, s’il le souhaite, « le produit en l’Ă©tat » dans les 10 jours ouvrables suivant la livraison. « Dans ce cas, le vendeur doit rembourser la somme payĂ©e et les dĂ©penses y affĂ©rentes au consommateur dans un dĂ©lai de 10 jours ouvrables Ă  compter de la date de restitution du produit ».

Autres rĂ©cents dĂ©veloppements en matiĂšre de lĂ©gislation en matiĂšre de vente en ligne, la France a introduit en 2016, dans sa loi Consommation, la « Protection contre ventes forcĂ©es (cases prĂ©-cochĂ©es) ». Ainsi, « les professionnels n’ont plus la possibilitĂ© de prĂ©-cocher des options supplĂ©mentaires payantes lors d’une commande en ligne empĂȘchant la facturation de services non souhaitĂ©s par le consommateur ». Mais Ă©galement l’obligation faite aux e-marchands de « fournir plus d’informations au consommateur avant l’achat sur internet », et la « crĂ©ation d’une liste d’opposition au dĂ©marchage tĂ©lĂ©phonique » (sur le site Bloctel) pour mieux « protĂ©ger les consommateurs des pratiques abusives ».