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Algérie- Les « Doctorpreneurs » dans le collimateur des pouvoirs publics : des cliniques privées fermées

Par Yazid Ferhat 1 juillet 2015

Les sanctions commencent à pleuvoir contre les cliniques et pharmacies privées à la suite des opérations d’inspection « inopinées » menée par le ministre de la santé Abdelmalek Boudiaf.

Un communiqué du ministère de la santé publié mardi donne un aperçu de l’opération dont le « bilan exhaustif » est en cours de finalisation mais dont les premiers enseignements sont déjà faits : une impérieuse nécessité de mettre à jour l’encadrement juridique du secteur privé « notamment le cahier des charges ainsi que l’indispensable mise en place d’organes de contrôle à vocation régionale ».

En attendant, des décisions ont été prises à l’encontre de certains établissements de santé privés » inopinément » visités. A Blida, une clinique a été fermée pour avoir réalisé sans autorisation un bloc opératoire et pour avoir étendu, de manière non-réglementaire, ses activités médico-chirurgicales. A M’Sila, c’est pour mise en danger d’un nouveau-né qu’une clinique a été fermée.

Selon le ministère de la santé, le nouveau-né mis en danger a été évacué dans des conditions peu conformes aux normes avec « absence d’assistance respiratoire, d’accompagnement médical ou paramédical… ». La même clinique employait du personnel paramédical « au noir » et son propriétaire aurait même tenté d’interdire l’accès de son établissement aux praticiens inspecteurs ».

Une clinique médico-chirurgicale à Oran a écopé d’une fermeture de quinze jours pour manquement aux règles d’hygiène. A Tissemsilt, une pharmacie a été fermée pour cause de vente de médicaments périmés.

Le 17 juin dernier, le ministère de la santé a annoncé le lancement d’une grande opération d’inspection au niveau des établissements privés (des établissements privés, cliniques, centres d’hémodialyse, laboratoires d’analyses médicales et cabinets des médecins spécialistes).

Les Doctorpreneurs et le gain financier

150 cadres ont été mobilisés pour assurer « davantage de fermeté dans le fonctionnement du secteur qui manque de ce genre de démarches » avait indiqué le ministère de la santé. Les inspecteurs étaient chargés de « s’enquérir « des dépassements » signalés par les citoyens, les cas de remplacement sans autorisation ainsi que sur certains dépassements comme les travaux d’aménagement et d’extension sans autorisation ».

Les failles énormes du secteur public de la santé ont largement favorisé le développement des cliniques privées qui sont, ainsi que le souligne l’économiste de la santé et chercheur au Cread, Ahcène Zehnati des « Doctorpreneurs » ou « médecins entrepreneurs ».

Il note dans un article publié dans le Quotidien d’Oran que la majorité des 200 cliniques médico-chirurgicales et 115 cliniques d’hémodialyse recensées en 2000 ont été fondées par des Doctorpreneurs. Près de la moitié (44,6%) de ces cliniques sont des Eurl et appartiennent à une seule personne et 35% sont des SARL.

L’économiste donne un exemple édifiant de la tendance des cliniques privées à chercher le gain financier facile au détriment de la rationalité médicale : le taux de césarienne dans les cliniques privées est de 70% contre 20% au niveau du secteur public.

« Le gain financier y est pour beaucoup, en plus l’acte se réalise en moins de temps et à moindre risque contrairement à l’accouchement normal, plus long et plus risqué » alors relève-t-il que des études récentes soulignent qu’un « taux de césarienne à l’échelle de la population au-dessus de 10 à 15 pour cent n’est guère justifié du point de vue médical ».

L’une des critiques récurrentes à l’adresse des médecins est d’être dans une double activité dans le secteur privé et public en théorie concurrentiel. Une forme de parasitage qui fait du secteur public un tremplin pour des activités lucratives dans le privé. En principe la double activité a été suspendue mais les choses continuent de se faire de manière informelle

Les riches et les pauvres

En 2012, dans un entretien remarquée à l’hebdomadaire en ligne lanation.info, le professeur Farid Chaoui, praticien dans le secteur privé, faisait un constat décapant et nour du décalage entre un discours politique officiel sur la santé et la réalité.

Le discours insiste sur la protection de la santé des citoyens par l’Etat mais en pratique, relevait-il, « on laisse les choses dériver vers une dégradation du secteur public et l’on encourage le développement d’un secteur privé sans pour autant l’encadrer. Ce dernier, à la limite, fonctionne hors normes ».

L’une des grandes anomalies de ce secteur privé est que les actes qui y sont dispensés ne sont pratiquement pas remboursés par la sécurité sociale et sont donc laissés à la charge des malades… 

Pour lui, il y a une ambiguïté totale en Algérie où l’on développe « d’un côté un secteur public que l’on assassine par une gestion catastrophique ; de l’autre côté, on laisse se développer un secteur privé – ce qui n’est pas une mauvaise chose, je le précise car je ne suis pas contre le privé- qui est ignoré politiquement par le ministère de la santé et économiquement par la sécurité sociale. Cela signifie qu’on a créé deux systèmes parallèles, l’un pour les riches, l’autre pour les pauvres ».

Cet article a été publié initialement sur le Huffington Post Algérie

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