Le parquet général a alourdi ses réquisitions ce mercredi lors du procès en appel du reporter français, en dressant un réquisitoire très politique contre ses contacts présumés avec le MAK. Une demande qui dépasse de trois ans la condamnation initiale prononcée en juin dernier.
Le procureur près la cour de Tizi Ouzou a requis mercredi dix ans de prison à l’encontre de Christophe Gleizes, journaliste français jugé en appel pour “apologie du terrorisme” et “possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national”. Cette peine excède de trois années celle prononcée en première instance le 29 juin dernier. Le ministère public a également demandé une amende de 500 000 dinars algériens, soit environ 3 300 euros.
Dans son réquisitoire, le représentant du parquet a affirmé que l’accusé n’était pas venu en Algérie “pour accomplir un travail journalistique mais pour commettre un acte hostile”. Il a replacé le dossier dans une chronologie plus large, en rappelant plusieurs épisodes que l’accusation lie au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé “organisation terroriste” par le Haut Conseil de sécurité en 2021.
Le procureur a d’abord évoqué « une interview réalisée avec Ferhat Mhenni en 2015. Selon lui, après la mort du joueur camerounais Albert Ebossé, Christophe Gleizes s’est rendu à Tizi Ouzou pour enquêter sur les circonstances du décès, puis au Cameroun, auprès de la famille du défunt ». Il y aurait, d’après l’accusation, « récupéré une statuette à l’effigie du joueur de la JSK et une somme de 500 euros présentée comme une aide de la part de Ferhat Mhenni ». Le parquet considère que cet épisode s’apparente à un “financement indirect du terrorisme”, en raison du rôle attribué à Ferhat Mhenni dans le MAK.
Le ministère public a également rappelé des échanges avec le frère d’Albert Ebossé, qui aurait transmis au journaliste des communiqués du site d’information ANAVAD, lié au MAK. Deux messages, en 2018 puis en 2020, ont été mentionnés à l’audience. Le procureur a reconnu que Christophe Gleizes n’y avait répondu qu’une seule fois, sans les relayer ni les publier, mais il les a intégrés au faisceau d’indices qu’il présente comme problématique.
Autre élément mis en avant : une demande de rencontre adressée en 2021 à Ferhat Mhenni pour un entretien, le parquet affirmant que ce dernier se serait vu promettre plusieurs pages dans un livre en préparation. Le procureur a aussi mentionné des contacts avec Aksel Bellabassi, présenté comme “numéro deux du MAK” et “entraîneur de l’équipe nationale kabyle”. Selon l’accusation, ce dernier aurait demandé au journaliste de consacrer un article à cette équipe, ce que Christophe Gleizes aurait refusé.
Enfin, le parquet a souligné que, « peu avant son arrivée à Tizi Ouzou en 2024, le journaliste avait repris contact avec Aksel Bellabassi, et qu’un appel d’environ 16 minutes avait eu lieu alors qu’il se trouvait déjà en Algérie ». Pour illustrer la gravité qu’il attribue à ces interactions, le procureur a décrit l’accusé comme “un enfant qui joue avec un scorpion sans savoir le moindre danger”, tout en rappelant qu’il ne pouvait, selon lui, ignorer la nature des interlocuteurs qu’il sollicitait.
Christophe Gleizes, 36 ans, collaborateur des magazines So Foot et Society, avait été arrêté le 28 mai 2024 à Tizi Ouzou alors qu’il préparait un reportage sur la Jeunesse Sportive de Kabylie. La justice lui reproche, sur cette base, d’avoir été en contact avec un dirigeant du club également responsable du MAK.
Entendu à la barre avant les réquisitions, le journaliste a demandé “pardon”, reconnaissant avoir fait “beaucoup d’erreurs journalistiques” malgré ses “bonnes intentions”. Il a réclamé “la clémence” de la cour et présenté ses excuses “au procureur et au peuple algérien”.
Au moment où nous mettons en ligne, la défense plaidait “une irrégularité administrative et non une infraction pénale”. Les avocats soulignent que Christophe Gleizes est entré sur le territoire algérien avec un visa touristique alors que son activité professionnelle nécessitait une accréditation de presse, et contestent la qualification terroriste de contacts qu’ils présentent comme relevant de la préparation d’un travail journalistique.