M A G H R E B

E M E R G E N T

Algérie

AlgĂ©rie – Quand le DRS fait de l’ombre Ă  la Cour des Comptes

Les enquĂȘteurs du DRS ont ravi la vedette aux magistrats de la Cour des comptes dans les grandes enquĂȘtes de corruption (DR)

Suivez-nous sur Google News

Les « enquĂȘtes » menĂ©es par l’institution militaire sur les affaires de corruption ont reçu plus d’échos mĂ©diatiques que les rapports de son homologue civile. Mais les activitĂ©s de l’institution de l’avenue Ghermoul ne sont toujours pas Ă  la mesure des espoirs qu’avaient suscitĂ©s sa “rĂ©activation” annoncĂ©e en 2010.

 

Sur le papier, la Cour des comptes est une bien belle institution. La loi l’a dotĂ©e d’une noble fonction. Cette “institution supĂ©rieure de contrĂŽle des finances publiques nationales” possĂšde des compĂ©tences trĂšs Ă©tendues qui l’autorisent Ă  contrĂŽler tous les organismes publics de toute nature. Pas seulement les administrations, mais Ă©galement les entreprises publiques et les entreprises mixtes dont l’État, les collectivitĂ©s locales ou les organismes publics dĂ©tiennent une partie du capital social. La Cour des comptes peut s’autosaisir d’un dossier relevant de son champ de compĂ©tence. Elle peut aussi ĂȘtre saisie par le PrĂ©sident de la RĂ©publique, le Premier ministre ou les prĂ©sidents des 2 Chambres du Parlement pour Ă©tudier des dossiers d’importance nationale. Pour l’accomplissement de ces missions, elle est dotĂ©e annuellement d’un budget gĂ©nĂ©reux qui s’élevait en 2011 Ă  prĂšs de 1,8 milliard de dinars, dont prĂšs de 95% est constituĂ© de frais de personnels.
Dans un contexte marquĂ© par la rĂ©vĂ©lation d’un nombre important de scandales financiers concernant directement des administrations ou des entreprises publiques, son inertie supposĂ©e a Ă©tĂ© de plus en plus mal perçue par une grande partie de l’opinion nationale. C’est certainement ce qui avait poussĂ© la prĂ©sidence de la RĂ©publique Ă  annoncer, le 25 aoĂ»t 2010, la publication d’une ordonnance qui a Ă©largi ses missions. Le communiquĂ© publiĂ© Ă  cette occasion prĂ©cisait que “la Cour des comptes est dĂ©sormais habilitĂ©e Ă  formuler des recommandations visant au renforcement des mĂ©canismes de protection des deniers publics, de la lutte contre les fraudes et prĂ©judices au TrĂ©sor public ou aux intĂ©rĂȘts des organismes publics soumis Ă  son contrĂŽle”.

Pas de traces du rapport annuel
Ce texte qui avait suscitĂ© des commentaires gĂ©nĂ©ralement favorables Ă  la “rĂ©activation” de l’institution de l’avenue Ghermoul n’a cependant pas eu jusqu’ici les suites attendues. Un constat fort pĂ©nalisant pour l’image de la Cour des comptes, particuliĂšrement dans les domaines trĂšs sensibles d’un certain nombre de grandes affaires de corruption supposĂ©es, qui ont dĂ©frayĂ© la chronique et souvent mis en avant le rĂŽle du DRS, mais qui ne semblent pas avoir retenu l’attention des magistrats de la Cour. Cette derniĂšre est pourtant censĂ©e Ă©tablir chaque annĂ©e “un rapport rĂ©sumant l’ensemble des constatations et observations qu’elle juge utiles d’adresser au prĂ©sident de la RĂ©publique”. Elle est par ailleurs susceptible d’ “informer le prĂ©sident de la RĂ©publique sur toute question d’importance particuliĂšre relevant de ses compĂ©tences, chaque fois qu’elle l’estime utile”. De ce rapport qui devrait ĂȘtre “publiĂ© totalement ou partiellement au journal officiel de la RĂ©publique algĂ©rienne dĂ©mocratique et populaire sur dĂ©cision du prĂ©sident de la RĂ©publique et dont une copie doit ĂȘtre transmise par la Cour des comptes Ă  l’institution lĂ©gislative”, on ne trouve, depuis de nombreuses annĂ©es, aucune trace.

Les vrais dossiers


En fait, les seuls travaux de la Cour des comptes qui ont Ă©tĂ© portĂ©s Ă  la connaissance de l’opinion nationale ont essentiellement concernĂ©, au cours des derniĂšres annĂ©es, ses diffĂ©rents rapports d’apprĂ©ciation sur les lois de rĂšglements budgĂ©taires. Le dernier en date a Ă©tĂ© rendu public en dĂ©cembre dernier et concerne les conditions d’exĂ©cution du budget 2011. Depuis que cet exercice de contrĂŽle a Ă©tĂ© entamĂ© voici trois ans, les rapports successifs des magistrats de la Cour des comptes ont pointĂ© rĂ©guliĂšrement un certain nombre de disfonctionnements, d’intĂ©rĂȘt et d’importance trĂšs inĂ©gale. Au chapitre des vrais dossiers mais qui mĂ©riteraient sans aucun doute des investigations supplĂ©mentaires, on relĂšvera principalement que la Cour des comptes s’est inquiĂ©tĂ©e rĂ©guliĂšrement du manque de fiabilitĂ© des Ă©tudes d’avant-projet dĂ©taillĂ©, Ă  l’origine en grande partie des surcoĂ»ts et de l’allongement des dĂ©lais de rĂ©alisation des grands projets d’infrastructure. Elle relevait, par exemple, dans son rapport publiĂ© l’annĂ©e derniĂšre, qu’en 2010, le gouvernement avait rĂ©servĂ© 770 milliards de dinars (prĂšs de 10 milliards de dollars) pour la réévaluation de ces projets d’infrastructure. La Cour des comptes Ă©voque aussi l’octroi de marchĂ©s Ă  des entreprises, dans des conditions douteuses, en l’absence de concurrence.
Ces observations, qui pointent par ailleurs des problĂšmes dĂ©jĂ  signalĂ©s par de nombreux observateurs de la scĂšne Ă©conomique nationale, sont malheureusement restĂ©es Ă  l’état de gĂ©nĂ©ralitĂ©s. Les observations de la Cour des comptes sur le montant croissant des exonĂ©rations fiscales et douaniĂšres accordĂ©es aux investisseurs et aux jeunes entrepreneurs sont aussi en passe de devenir un classique. 

Elle fait Ă©tat du “non-respect par certains bĂ©nĂ©ficiaires de leurs obligations ou engagements en raison de l’absence de contrĂŽle des rĂ©alisations des dits projets d’investissement”. Elle Ă©voque, en outre, le dĂ©tournement des projets de leur destination initiale et la vente d’équipements acquis grĂące aux subventions de l’État.


et les fausses pistes

Au cours des derniĂšres semaines, ce sont malheureusement ce qu’on pourrait qualifier de “fausses pistes ” indiquĂ©es par le rapport publiĂ© en dĂ©cembre 2013 qui semblent avoir surtout retenu l’attention des parlementaires aussi bien que d’une grande partie des mĂ©dias nationaux. Au premier rang d’entre eux on trouve le “scandale” largement imaginaire, d’ailleurs dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© dans les rapports prĂ©cĂ©dents de la Cour, concernant l’accumulation des recettes Ă  recouvrer, totalisant, fin 2011, le montant faramineux de prĂšs de 8 000 milliards de dinars, soit prĂšs de 100 milliards de dollars et deux fois et demie les recettes gĂ©nĂ©rales de l’État. Une « rĂ©vĂ©lation » qui a mis en Ă©bullition pendant quelques jours l’ensemble des mĂ©dias nationaux
Renseignements pris, il s’agit pour l’essentiel des amendes mirobolantes imposĂ©es Ă  la dĂ©funte BCIA, dont les montants sont Ă©videmment impossibles Ă  recouvrer et qui figurent pourtant toujours dans les livres de comptes de l’État. Le reste des montants “à recouvrer” est Ă  peu prĂšs de la mĂȘme veine et concerne principalement les dettes fiscales accumulĂ©es par prĂšs d’un millier d’entreprises publiques, elles aussi dissoutes depuis de nombreuses annĂ©es.

 

Â