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Maghreb

Elections locales – A Boumerdès, les candidats « qui craignent Dieu » sont les plus chanceux

Par Yacine Temlali 23 novembre 2017

L’affluence dans les bureaux de vote est très importante dans la wilayas de Boumerdès et les électeurs, même s’ils comptent beaucoup sur Dieu, semblent s’inscrire dans une perspective qui consiste à redonner sa dimension citoyenne à l’acte de voter.

 

 

Durant toute la journée de ce 23 novembre, les bureaux de vote n’ont pas désempli dans la wilaya de Boumerdès. Sur une trentaine de centres visités, des queues de plusieurs dizaines d’électeurs sont formées. Inhabituel et, surtout, inattendu, pour un rendez-vous électoral si décrié par nombre d’observateurs. Mais, vraisemblablement, les multitudes de listes présentes et la diversité des profils ont fini par mobiliser les électeurs. De plus, l’importance des APC et APW, qui représentent les instances de gestion les plus proches des citoyens, a sans doute joué en faveur de la mobilisation de l’électorat. « 

Je vote et je compte surveiller les élus locaux pour les mettre devant leur responsabilités. Comme ça, ils ne nous diront pas que nous sommes démissionnaires », lâche un électeur rencontré à Tidjelabine. « Il est exclu qu’un quelconque changement ait lieu dans notre pays à travers la rue. Et puis les gens sont fatigués et ne veulent pas prendre des risques. On n’a que le vote. On vote, on essaie d’être exigeant, peut-être qu’un jour ça ira », nous confie à Thenia un autre électeur, visiblement désabusé.

Des échanges avec les électeurs font ressortir la même vision. Un mot d’ordre semble avoir été donné : redonner à l’acte de voter sa dimension citoyenne. D’ailleurs, le vote ne consiste plus, pour nos interlocuteurs, à glisser un bulletin dans l’urne mais à choisir une liste et à la surveiller tout au long de son mandat. « Nous ne sommes dans aucun parti. Mais nous nous sommes impliqués dans la compagne pour soutenir une liste FFS. Nous avons voté et nous ne comptons pas rentrer chez nous. Nous serons toujours derrière nos élus, pour les accompagner mais aussi pour leur demander des comptes. Il n’est plus question qu’ils se sucrent sur nos dos », assure un groupe de jeunes universitaires qui semblent résolus à en découdre avec le désespoir qui ronge une bonne partie de la société qui considère « la politique » comme un métier de « malfrats ».

 

Les autres, les prédateurs, les voleurs…

 

Dans les cafés, plusieurs « cénacles » de candidats et de leurs sympathisants se sont formés, cafés et thés servis dans une ambiance festive. La campagne est officiellement close. Mais la prédication électorale ne s’est pas arrêtée. « Moi, je n’ai jamais été élu. Je ne suis pas sale comme les autres qui ont pillé la commune de Boudouaou », lance un tête-de liste d’un parti de gauche. « Les autres n’ont rien fait. Nous, nous allons redonner sa place d’antan à notre commune », lâche un autre candidat qui laisse entendre que Boudouaou était, auparavant, une commune florissante, ce qui, de l’avis d’habitants de cette ville, n’a jamais été le cas.

Les discours sur « les autres » ne se limitent pas à des constats mi-figue mi raison. Ils sont parfois très violents et les majorités sortantes sont systématiquement vilipendées par les candidats, quels que soient leurs bilans. « La majorité qui vient de terminer son mandat n’a rien fait. Elle s’est contentée de brader les terrains de notre commune et de se remplir les poches. Ce sont des prédateurs et leur place est en prison », s’acharne un leader d’une liste indépendante à Isser.

Ainsi, les autres, à savoir les élus sortants, sont des « prédateurs, des voleurs, des escrocs… pour tous leurs rivaux. « Les hostilités et les méchancetés parfois gratuites dont font preuves certains candidats à l’égard de leur rivaux lèvent le voile sur un élément très important : l’absence de la culture des bilans. Tout le monde peut dire tout de tout le monde ce qu’il veut sans que les électeurs ne puissent évaluer objectivement les propos des uns et des autres », analyse un diplomate à la retraite rencontré sur une terrasse de café à Bordj-Mnaiel.

 

« Craindre Dieu : un programme électoral »

 

A Zemomouri, Cap Djenat, Bordj Mnaiel, Boumerdès, Corso et Boudouaou, la majorité des candidats, estiment les électeurs que nous avons rencontrés dans les centres de vote, ont mené et continuent à mener leur compagne en vilipendant les équipes sortantes.

« A l’exception de trois partis qui ont présenté un programme, les autres se sont contentés d’insulter leur rivaux et de les présenter comme des incompétents », nous a déclaré une dame rencontré à Figuier. Mais, a-t-elle ajouté, « les prérogatives des élus sont tellement ridicules qu’il ne sert à rien qu’ils aient un programme ». « Le plus important est qu’ils soient honnêtes et qu’ils craignent Dieu », enchaîne-t-elle.

Bien d’autres personnes partagent cet avis, non pas seulement à Figuier, mais aussi dans plusieurs autres localités de la wilaya. « La majorité des partis n’ont pas de programmes et ceux qui en ont, leurs programmes se ressemblent tellement qu’on a du mal à les distinguer. Moi, j’ai voté pour ceux qui craignent Dieu. Je les connais et je sais que même s’ils ne vont pas faire du bien, ils ne feront pas de mal non plus à notre commune », confesse un électeur de Zemmouri. « « Les candidats, je ne les connais pas. Ils n’apparaissent que lors des rendez-vous électoraux. Les partis aussi. Ma femme, mes deux filles et moi avons toujours voté. Nous décidons ensemble sur le cheval sur qui miser très intuitivement. Pour l’APC, nous avons voté RND, pour l’APW RCD. Inchallah les deux listes vont gagner et Inchallah les élus parmi ceux qui craignent Dieu », espère un père de famille.

 

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