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Algérie, sans réforme, la Caisse des retraites devient insolvable

Par Samy Injar 16 décembre 2025

 La décision du Conseil des ministres de revaloriser les pensions de retraite à la fin de l’année 2025 a relancé un débat de fond sur la viabilité financière du système de retraite algérien. Sur instruction présidentielle, les pensions ont été ajustées selon une grille différenciée afin de limiter la perte de pouvoir d’achat des retraités : les pensions les plus faibles ont bénéficié de hausses pouvant atteindre 10 %, tandis que les plus élevées ont été revalorisées à hauteur de 5 %.

Si la mesure répond à une urgence sociale réelle, son coût budgétaire est loin d’être neutre. Selon les estimations, elle représenterait une charge annuelle comprise entre 170 et 300 milliards de dinars pour la Caisse nationale des retraites (CNR), dans un contexte où les équilibres financiers du régime sont déjà fortement dégradés.

Un déficit structurel qui ne cesse de s’aggraver

Le déficit de la CNR ne relève plus d’un désajustement conjoncturel. Il s’agit d’un déséquilibre structurel, installé depuis plus d’une décennie. Le déficit technique, correspondant à l’écart entre les cotisations encaissées et les pensions versées, s’est creusé de manière continue. En 2022, il était estimé à plus de 720 milliards de dinars, malgré des transferts massifs du Trésor public.

Pour maintenir le versement des pensions, l’État a multiplié les solutions exceptionnelles : emprunt de 500 milliards de dinars auprès du Fonds national d’investissement, affectation de recettes fiscales spécifiques, ou encore appui direct du budget. Ces mécanismes traduisent l’incapacité du régime à s’autofinancer durablement et lient de fait la survie du système de retraite à la volatilité des revenus hydrocarbures.

Les transferts publics consacrés aux retraites, équivalents à plusieurs points de PIB chaque année, illustrent la fragilité d’un modèle devenu fortement dépendant du budget de l’État.

L’insoutenabilité d’un modèle sans réforme

La dynamique démographique accentue cette pression. Le ratio cotisants/retraités s’est nettement détérioré, réduisant la base contributive alors que le nombre de pensionnés augmente régulièrement. Ce déséquilibre alimente un besoin croissant de financement public pour combler les déficits.

Dans ce contexte, l’absence d’un débat national structuré sur la réforme des retraites interpelle. Les retraités alertent sur l’insuffisance de leurs pensions face à l’inflation, tandis que les jeunes actifs doutent de la capacité du système à garantir leurs droits futurs. Faute de dialogue social et de vision claire, la charge budgétaire continue de s’alourdir dans un État déjà fortement sollicité par les dépenses sociales.

Les leviers classiques de réforme – allongement de la durée de cotisation, hausse des cotisations, élargissement de l’assiette contributive – restent à l’état de propositions théoriques. Aucune feuille de route politique crédible n’a encore émergé, malgré l’urgence financière et les risques de tensions intergénérationnelles.

Capitalisation : un palliatif insuffisant

L’introduction partielle d’un système de retraite par capitalisation est parfois avancée comme solution. Elle viserait à compléter le régime par répartition par des mécanismes d’épargne individuelle ou collective. Mais les expériences internationales montrent que la capitalisation ne résout pas, à court terme, les déficits d’un système déjà fragilisé.

La transition vers un tel modèle implique un coût élevé : détourner une partie des cotisations actuelles vers des comptes capitalisés aggrave temporairement le déficit du régime existant. Sans mesures structurelles concomitantes, l’impact sur la soutenabilité globale resterait limité.

Regard comparatif : comment les autres ont réagi ?

Plusieurs pays confrontés à des défis similaires ont engagé des réformes profondes. En Europe du Nord, l’indexation de l’âge de départ à l’espérance de vie a permis d’introduire des mécanismes automatiques d’ajustement. D’autres, comme l’Espagne, ont privilégié un large consensus politique pour renforcer la transparence et la pérennité du système.

Ces expériences convergent vers une même conclusion : aucune réforme des retraites ne peut aboutir sans un accord social et politique solide.

En Algérie, la trajectoire actuelle de la CNR – marquée par des déficits chroniques et des solutions financières temporaires – souligne l’urgence d’une concertation nationale. Sans réforme structurelle, la solvabilité du système restera fragile, avec un risque croissant de crise sociale et budgétaire.

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