En offrant à Donald Trump un inédit « prix de la paix », Gianni Infantino a déclenché une tempête de critiques. Ce qui devait être une célébration du football s’est transformé en bad buzz et va finir, peut-être, devant la commission d’éthique de la FIFA.
Gianni Infantino est-il allé trop loin dans la flatterie envers le président des États-Unis ? Après le tollé médiatique dénonçant une « farce », le patron de la FIFA doit désormais répondre à une plainte déposée par l’ONG britannique FairSquare. Celle-ci l’accuse d’avoir bafoué la neutralité politique de l’instance en remettant à Donald Trump un inédit « prix de la paix de la FIFA » lors du tirage au sort du Mondial 2026 à Washington.
Selon FairSquare, Infantino a violé à plusieurs reprises l’article 15 du code d’éthique de la FIFA, qui impose aux responsables de rester politiquement neutres. L’ONG cite ses déclarations publiques en faveur d’un prix Nobel de la paix pour Trump, son soutien affiché au programme politique du président américain et la vidéo projetée par la FIFA mettant en avant la politique étrangère de ce dernier. FairSquare, spécialisée dans la défense des droits humains et la transparence dans le sport, s’est fait connaître par ses enquêtes sur les abus liés aux grandes compétitions internationales, notamment au Qatar et en Russie.
Un trophée qui indigne
La remise de ce prix a provoqué une vague de réactions indignées dans le monde du sport et au-delà. Le quotidien belge Walfoot a parlé d’un « trophée de la honte » et du « bad buzz de l’année », tandis que le site suisse Watson a jugé l’attitude d’Infantino « servile » et « flagorneuse », notamment lorsqu’il s’est prêté à des selfies avec Trump et ses proches.
La presse française a relevé une contradiction flagrante : Infantino avait interdit aux joueurs de manifester des opinions politiques lors du Mondial au Qatar, mais il s’autorise à remettre une récompense éminemment politique à un chef d’État à la politique controversée. Human Rights Watch a dénoncé le manque de transparence autour de ce prix et critiqué le choix d’un dirigeant accusé de politiques belliqueuses.
Ce n’est pas la première fois qu’Infantino est mis en cause. En 2016, la commission d’éthique de la FIFA avait ouvert une enquête sur des vols en jet privé financés par la Russie et le Qatar, estimés à plus de 100 000 euros. Bien qu’il ait été blanchi, l’affaire avait soulevé des interrogations sur les avantages indus dont il avait bénéficié.
En 2020, la justice suisse avait lancé une procédure pénale pour ses rencontres secrètes avec l’ex‑procureur général Michael Lauber, tenues sans procès‑verbal officiel alors que ce dernier supervisait les enquêtes sur la FIFA, nourrissant les soupçons de collusion. Là encore, la commission d’éthique l’avait rapidement disculpé, ce qui avait alimenté les critiques sur une instance trop indulgente envers son président.
« Un exercice obscène du pouvoir«
La FIFA avait pourtant promis une nouvelle ère après les scandales de corruption qui avaient éclaboussé l’époque Sepp Blatter. Mais pour Nick McGeehan, directeur de FairSquare, « la FIFA agit de plus en plus comme une machine de relations publiques au service des régimes autoritaires ».
À l’évidence, quand le président de la FIFA invente un prix de la paix sur mesure pour Trump, il est dans un calcul politique, dans la farce. Mais, note le journal Le Monde, dans un article au vitriol, « cet exercice obscène du pouvoir ne trouble qu’une fraction des passionnés. La billetterie de la Coupe du monde américaine prospère malgré les tarifs les plus élevés de l’histoire, malgré les restrictions sur les visas et la traque des immigrés latinos aux abords des stades états‑uniens. Malgré Trump et Infantino. »