M A G H R E B

E M E R G E N T

Maghreb

Trois raisons qui font des Ă©lections lĂ©gislatives en AlgĂ©rie un moindre enjeu qu’au Maroc

En Algérie le Premier ministre n'a d'existence politique réelle qu'à l'ombre de l'omnipotent chef de l'Etat.

Suivez-nous sur Google News

La dĂ©saffection rĂ©elle des AlgĂ©riens pour le choix de leurs dĂ©putĂ©s est partie pour ĂȘtre plus forte que celle des Marocains pour les lĂ©gislatives d’octobre 2016. Petite explication par le texte de l’enjeu politique de l’une et de l’autre.

 

 

Le choix des dĂ©putĂ©s du peuple n’a pas toujours Ă©tĂ© une Ă©lection mineure en AlgĂ©rie. L’interruption du processus Ă©lectoral des lĂ©gislatives entre les deux tours, le 11 janvier 1992, puis l’interdiction du parti vainqueur, le FIS, a entraĂźnĂ© le pays dans dix annĂ©es de violences politiques aux consĂ©quences se poursuivant Ă  nos jours (rĂ©sidus terroristes). Quatre rĂ©visions constitutionnelles sont intervenues depuis.

Les deux premiĂšres, en 1996 et en 2002, ont concouru directement Ă  l’affaiblissement du pouvoir lĂ©gislatif : l’une en crĂ©ant une deuxiĂšme Chambre au Parlement dont le contrĂŽle incombe, en vĂ©ritĂ©, au tiers prĂ©sidentiel ; l’autre en diminuant les prĂ©rogatives du Chef du gouvernement, responsable devant l’assemblĂ©e nationale. La troisiĂšme rĂ©vision, en 2008, a concouru indirectement Ă  ce mĂȘme affaiblissement de l’instance lĂ©gislative en assurant la prĂ©sidence Ă  vie par la suppression de la limitation des mandats prĂ©sidentiels.

AprĂšs la vague du Printemps arabe, les rĂ©gimes arabes Ă©pargnĂ©s ont tentĂ© des rĂ©formes politiques afin d’anticiper une explosion dans leurs pays. Au Maroc, cela s’est soldĂ© par la Constitution de juillet 2011 qui a redonnĂ© des prĂ©rogatives plus importantes au Parlement. En AlgĂ©rie, le processus a pris cinq ans de plus et s’est accommodĂ© des reflux du Printemps arabe pour, finalement, proposer une rĂ©vision constitutionnelle (mars 2016) qui ne concĂšde rien aux trois prĂ©cĂ©dents rabotages du pouvoir lĂ©gislatif.

L’enjeu des Ă©lections lĂ©gislatives a donc poursuivi son dĂ©classement durant les annĂ©es Bouteflika et ne peut prĂ©tendre rebondir ce 4 mai 2017, sous le quatriĂšme mandat du prĂ©sident de la RĂ©publique, trĂšs diminuĂ©. Au mĂȘme moment l’élection des dĂ©putĂ©s est devenu un rendez-vous politique plus important au Maroc, mĂȘme si l’équilibre du systĂšme est loin d’en faire « une monarchie constitutionnelle » comme affirmĂ© Ă  l’article 1er de la Constitution de 2011. 

 

Le vote pĂšse sur l’identitĂ© d’une partie de l’exĂ©cutif au Maroc 

 

Trois dispositions constitutionnelles expliquent l’écart qui s’est creusĂ© dans la valorisation du rendez-vous politique des lĂ©gislatives entre les deux pays : le choix du Premier ministre, la nomination du gouvernement, la censure du gouvernement par la Chambre basse.

L’article 47 de la Constitution marocaine oblige le Roi a nommer le Premier ministre « au sein du parti politique arrivĂ© en tĂȘte des Ă©lections des membres de la Chambre des reprĂ©sentants et au vu de leurs rĂ©sultats ». En AlgĂ©rie la Constitution dilue en son article 91 la nomination du Premier ministre parmi 20 prĂ©rogatives et pouvoirs prĂ©sidentiels selon la formule : « Il nomme le Premier ministre, la majoritĂ© parlementaire consultĂ©e, et met fin à ses fonctions ».

Au Maroc, en se dĂ©plaçant pour voter, les Ă©lecteurs choisissent symboliquement la personnalitĂ© politique qui va diriger le futur gouvernement. En AlgĂ©rie, le choix du Premier ministre a toujours Ă©tĂ© dĂ©connectĂ© du calendrier Ă©lectoral parlementaire, et l’article 91 de la Constitution rĂ©visĂ©e en 2016 ne change pas cet Ă©tat de fait puisque le PrĂ©sident de la rĂ©publique n’est pas tenu de le choisir au sein de la majoritĂ© parlementaire qu’il consulte.

La deuxiĂšme disposition qui rend l’enjeu des lĂ©gislatives plus important au Maroc qu’en AlgĂ©rie est liĂ©e Ă  la nomination des membres du gouvernement. Cette prĂ©rogative revient constitutionnellement au vainqueur des Ă©lections lĂ©gislatives au Maroc : « Sur proposition du chef du gouvernement, il (le roi) nomme les membres du gouvernement (article 47). Elle est rĂ©servĂ©e au prĂ©sident de la rĂ©publique en AlgĂ©rie (article 93) : « Le PrĂ©sident de la rĂ©publique nomme les membres du gouvernement aprĂšs consultation du Premier ministre ». L’enjeu du vote populaire est donc plus important au Maroc en ce qu’il engage l’identitĂ© d’une partie des ministres (la pratique veut que les postes-clĂ©s soient le fruit d’une nĂ©gociation complexe). De nulle incidence en AlgĂ©rie.

 

Le sort du gouvernement échappe aux parlementaires en Algérie

 

La troisiĂšme disposition qui, sur le plan du texte constitutionnel, donne un poids plus important aux membres de la Chambre basse au Maroc est liĂ©e Ă  la censure du gouvernement. Il faut une majoritĂ© des deux tiers de l’assemblĂ©e nationale en AlgĂ©rie pour faire tomber un gouvernement suite Ă  une dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale du Premier ministre (article 154). Au Maroc, un vote Ă  la majoritĂ© absolue (plus de 50%) suffit pour censurer un Chef du gouvernement et obtenir la dĂ©mission de son gouvernement.

Cette diffĂ©rence paraĂźt anodine. Elle est essentielle dans la consolidation d’un pouvoir lĂ©gislatif fort. Elle oblige la majoritĂ© parlementaire Ă  veiller Ă  consolider ses alliances afin de tenir la lĂ©gislature. La majoritĂ© des deux tiers, trĂšs difficile Ă  obtenir, signifie que le sort du gouvernement ne dĂ©pend jamais du vote des dĂ©putĂ©s mais seulement de la volontĂ© prĂ©sidentielle. Cette situation est aussi un facteur de dĂ©valorisation de l’élection lĂ©gislative en AlgĂ©rie. Plus largement elle atrophie la vie politique nationale.

Les avancĂ©es constitutionnelles au Maroc depuis 2011 ne doivent cependant pas laisser dupes de la vĂ©ritĂ© du pouvoir formel et informel le plus puissant dans l’action de l’exĂ©cutif, le Palais royal